En décembre dernier, une résolution de l’ONU avait fait du bruit en Israël. Le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies exhortait, dans ce texte, l’Etat hébreu à « cesser immédiatement et complètement toute activité de colonisation en territoire palestinien occupé, dont Jérusalem-Est. » Exceptionnellement, les Etats-Unis ne s’étaient pas opposés à cette résolution et c’est ce qui avait permis qu’elle soit votée. Depuis 1967, Israël a violé plus d’une trentaine de résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU. Mais alors, à quoi servent les résolutions votées à New York ? Et quel est l’intérêt d’une résolution si celle-ci peut être violée sans que ne soient prévues des sanctions ? Alexandra Novosseloff, docteur en sciences politiques, spécialiste de l’ONU et du Conseil de sécurité, qui a dirigé « Le Conseil de sécurité, entre impuissance et toute puissance »*, un ouvrage consacré au Conseil de sécurité de l’ONU, répond à ces questions.
LeMuslimPost : La définition de l’ONU dit que les résolutions sont « l’expression formelle de l’opinion ou de la volonté des organes qui les adoptent. » Concrètement, ça veut dire que c’est juste un avis non juridique ?
Alexandra Novosseloff : Non, une résolution est une décision et non un avis. Une résolution se décompose en deux parties : des paragraphes préambulaires et une partie décisionnelle qui demande des choses précises à un Etat, un groupe d’Etats ou d’autres organes de l’ONU. L’article 25 de la Charte de l’ONU prévoit par ailleurs que « les membres de l’Organisation conviennent d’accepter et d’appliquer les décisions du Conseil de sécurité. »
Que risque un pays qui viole une résolution ?
Tout dépend des circonstances. Dans tous les cas, le droit international est complexe, parfois difficile à appliquer. Prenons l’exemple de la guerre du Golfe, qui est un cas d’école. Nous avons ici un Etat, l’Irak, qui avait violé le droit international en envahissant un autre pays, le Koweït. La « communauté internationale », presque unanime sur cette question, a voulu contraindre cet Etat à revenir sur son action, puis le punir. Pour Israël, il y a une division au sein de cette même « communauté internationale », sur les moyens d’obliger Israël à appliquer les résolutions. Le Conseil de sécurité est un reflet du monde et des rapports de force sur la scène internationale. On peut déplorer que certaines de ses résolutions ne soient pas plus appliquées, mais c’est intrinsèque à la nature même du Conseil, qui est interétatique. De plus, il faut différencier les résolutions votées à l’unanimité et celles pour lesquelles des membres du Conseil de sécurité s’abstiennent. L’unanimité symbolise le consensus et cela donne un poids politique plus important à une résolution.
Finalement, les résolutions ont-elles un impact réel sur les pays visés, en particulier Israël ?
Israël n’aime pas être montré du doigt. Or, avec ses résolutions, l’ONU pointe du doigt la politique d’un Etat. Cela a forcément un impact politique voire psychologique ; les résolutions disent ce qui est bien et ce qui est mal, cela a un poids politique. Mais il ne faut pas espérer un changement en un jour, on va plutôt mesurer l’efficacité des résolutions en décennies. Les textes du Conseil de sécurité permettent d’exercer des pressions, notamment lorsque les résolutions s’accumulent. C’est ce qui s’est passé pour l’Afrique du Sud avec le régime d’apartheid. Dans ce cas, c’était l’Assemblée générale de l’ONU qui avait multiplié les résolutions et cette pression internationale a aidé à faire bouger les choses. Si certaines résolutions permettent d’agir à court terme, comme pour la guerre du Golfe, il faut souvent du temps. Mais ce corpus de textes à l’encontre d’Israël montre quelque chose.
* « Le Conseil de sécurité, entre impuissance et toute puissance », 2016, Paris, éditions du CNRS, collection Biblis, 425 pages. Ouvrage dirigé par Alexandra Novosseloff. http://www.cnrseditions.fr/geopolitique/7232-le-conseil-de-securite-des-nations-unies.html]