Le passage de l’ouragan Irma début septembre, avec des vents violents allant jusqu’à 300 km/h, a causé des dégâts catastrophiques dans les îles de Barbuda, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Anguilla et les Iles Vierges dans l’Atlantique.
Ces îles paradisiaques et paradis fiscaux attirent depuis des décennies des riches célébrités, dont l’acteur Robert De Niro, qui a racheté le bail d’un ancien hôtel «Le Club K» sur l’île de la Barbade, pour en faire un grand complexe hôtelier.
En septembre dernier, il annonçait vouloir s’impliquer dans la reconstruction de la Barbade, où plus de la moitié de la population est sans-abri ou déplacée et où 95 % des bâtiments sont détruits.
« Nous sommes plus qu’attristés d’apprendre que Barbuda a été dévastée par le cyclone Irma et attendons de travailler avec l’équipe du Paradise Found Nobu Resort, le Conseil de Barbuda, GOAB et toute la communauté de l’île afin de reconstruire ce que la nature nous a enlevé », déclarait la star dans un communiqué.
Mais derrière ce geste bienfaisant se cachent surtout les ambitions immobilières de Robert De Niro sur l’archipel. Lui et le milliardaire James Packer ont pour projet d’agrandir leur hôtel de 120 hectares supplémentaires. Une extension colossale qui n’est pas vraiment du goût de la population locale. Mais Robert De Niro aurait déjà investi 250 millions de dollars sur dix ans.
Le site d’investigation The Intercept révèle que Robert De Niro aurait profité de l’après-Irma pour accélérer le processus de changement de la loi foncière communautaire de l’île, avec la complicité de certains dirigeants politiques. Une modification de la loi qui est, bien sûr, dans l’intérêt des promoteurs et du sien.
Un bail à Robert De Niro de 198 ans pour 6,2 millions de dollars
Le « Barbuda Land Act », la loi sur les terres de la Barbade de 2007, indique que ce sont les natifs de l’île qui possèdent les terres. Ainsi, cette loi précise que les habitants doivent donner leur consentement pour les grands projets de développement sur l’île.
Une coutume qui perdure depuis des décennies, où les terres acquises sont transmises aux descendants de chaque famille et les terres de brousse mises en commun.
Cela a ainsi empêché l’achat de terre par des étrangers et donc l’installation de grands hôtels, restaurants et casinos non gérés par la population locale. Si les promoteurs pouvaient louer des terres pendant 50 ans, leurs projets devaient obtenir le consentement de la majorité des Barbadiens.
Mais depuis 2016 déjà, Gaston Browne, l’actuel Premier ministre d’Antigua-et-Barbuda, souhaite que l’île se tourne vers un système foncier privatisé. Le 11 septembre, il a annoncé qu’il voulait réformer la loi afin que les terres communales puisse être achetées et vendues par quiconque prétendant à la résidence sur l’île.
Quelques mois avant, le Premier ministre aurait également promis à De Niro un bail de 198 ans pour 6,2 millions de dollars, ainsi que de nombreux avantages fiscaux, selon les informations de The Intercept.
« Nous sommes attristés par l’ampleur des dégâts », a déclaré le Premier ministre dans une interview au New York Times, « mais il y a des opportunités à exploiter ». Gaston Browne semble en effet vouloir tirer profit de la vulnérabilité de la population (largement déplacée sur Antigua) et davantage préoccupée par la reconstruction des maisons et la réouverture des écoles, pour s’attaquer à ses droits fonciers.
« C’est juste une arnaque pour enlever les terres aux Barbudiens »
Avec toutes ces destructions, la transformation de l’île est désormais possible et accessible aux investisseurs. « Rien n’est disponible sur le terrain pour permettre aux Barbadiens de revenir », a déclaré le premier ministre, alors que l’île reste partiellement sans eau ni électricité.
Du côté des insulaires, environ 1 800 sur l’île, ce changement dans la loi ne passe pas du tout. « Nos pires craintes sont en train de devenir réalité. Les pouvoirs en place veulent voler nos terres », a déclaré un habitant au Telegraph.
Le Parlement a effectué une première lecture du projet de loi de 2017 sur l’amendement à la loi sur les terres de Barbuda le 12 décembre dernier. Dans cet amendement, la clause déclarant l’île comme « détenue de manière commune par le peuple » a été supprimée et remplacée.
« C’est juste une arnaque pour enlever les terres aux Barbadiens afin qu’ils puissent la donner à des gens comme Robert De Niro » a commenté pour The Intercept, Mackenzie Frank, un ancien sénateur de l’île.
Face à cette controverse, Robert De Niro préfère garder le silence. Mais une grande partie de la population l’estime complice d’un accaparement des terres.