jeudi 31 octobre 2024
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Sommet sur le climat: Emmanuel Macron peut-il se poser en modèle?

Lors de la campagne présidentielle, l’écologie n’était pas l’une des priorités du programme d’Emmanuel Macron, centré sur la croissance et l’emploi. Mais depuis quelques mois, le président français veut s’imposer comme le leader en matière de lutte contre le réchauffement climatique et multiplie les annonces. Il est, entre autres, à l’origine du « One Planet Summit » le 12 décembre à Paris. Pourtant, la France est loin d’être exemplaire dans le domaine de l’environnement, comme l’explique Nicolas Haeringer, chargé de campagne pour 350.org, une ONG environnementale internationale. Entretien.

LeMuslimPost : Quelle est l’origine du « One Planet Summit » et que peut-on retenir de celui-ci ?

Nicolas Haeringer : Ce sommet a été organisé par Emmanuel Macron suite au retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris. Macron avait détourné le slogan de campagne du président américain, « Make America great again », en créant sur Twitter le hashtag #MakeOurPlanetGreatAgain. Puis le président français a commencé à vouloir endosser le costume de « chevalier vert », mais pour cela il a fallu passer à des actes. Macron a donc demandé à Nicolas Hulot d’élaborer une feuille de route sur le climat. L’idée était de se donner une aura au niveau mondial dans ce domaine, c’est pourquoi Macron a organisé ce sommet « One Planet Summit ».

« Il y a un vrai décalage entre le discours et les actes »

Mais finalement il n’y a pas vraiment d’annonces. La plupart des engagements que les états devaient prendre depuis la COP 21 n’ont pas été respectés, comme le maintien du réchauffement climatique au plus près des 0,5 degrés. Les états continuent d’investir massivement de l’argent public et les banques de l’argent privé dans des projets charbonniers, gaziers et pétroliers. Il y a eu tout de même deux annonces importantes. AXA, premier assureur au monde, a déclaré hier au One planet summit ne plus investir dans des projets charbonniers. La Banque mondiale a quant à elle annoncé ne plus participer au financement de l’exploitation et  de l’exploration du pétrole.

La France a reçu récemment le prix « fossile du jour », qui distingue un pays qui ne tient pas ses engagements dans le domaine climatique. Où en est-on réellement  ? 

La France est à la traine. Pendant la COP 23, le Sénat débattait de la loi Hulot portant sur le gel des hydrocarbures. On a pu voir un net recul devant celle-ci. Le même jour, Nicolas Hulot est sorti du conseil des ministres et a annoncé que la France ne tiendrait pas ses objectifs de diminution de la part du nucléaire (de 75% à 50%) et qu’elle serait en retard de plusieurs années. Le ministre a dit que si l’on voulait vraiment tenir cet objectif alors on devrait rouvrir des centrales à charbon. On voit bien que reculer sur les hydrocarbures, cela prépare aussi à un recul sur le nucléaire et inversement. Il n’y a qu’une seule solution, c’est développer des énergies renouvelables. Il y a un vrai décalage entre le discours et les actes. Est-ce un double discours du gouvernement, de l’inertie ? 

La nomination de Nicolas Hulot comme ministre de la Transition écologique et solidaire était-elle une bonne stratégie ? 

Tout autre ministre de l’environnement aurait certainement été pire que Nicolas Hulot. La question c’est plutôt de savoir comment Nicolas Hulot peut se saisir de ce rôle pour faire bouger les lignes. Avant il devait simplement éveiller les consciences et mobiliser l’opinion publique. Mais maintenant il s’agit pour lui de gagner des arbitrages : sur le glyphosate contre le ministre de l’Agriculture Stéphane Travert, sur les énergies fossiles contre Bercy et les lobbys. Cela est plus compliqué, et nous jugerons à la fin de son passage. Pour l’instant, les rapports de force lui sont plutôt défavorables.

« Ces institutions françaises qui pouvaient apparaître comme étant de bonnes élèves dans la lutte contre le réchauffement climatique il y a quelques années sont désormais à la traîne »

Un récent rapport montre que les caisses de retraite françaises investissent dans des entreprises qui exploitent du pétrole et du charbon. Finalement, l’argent public est aussi utilisé pour financer les énergies fossiles ?

Ce rapport paru le 11 décembre pointe en effet les investissements de la caisse des dépôts et consignations, qui s’occupe des caisses de retraite et le livret A. Cet argent est investi dans des projets liés aux énergies fossiles. Ceci est très ironique car le fond d’épargne de la caisse des dépôts gère aussi le livret du développement durable, censé financer des initiatives de transition. Les institutions financières et bancaires ne sont pas encore suffisamment prêtes à prendre des mesures.

L’agence française de développement, institution financière publique qui favorise le développement durable, est-elle vraiment en adéquation avec les accords de Paris ?

L’agence française de développement finance des projets charbonniers un peu partout dans le monde, dont une centrale à charbon en Chine. Cela est assez paradoxal pour une banque de développement. Nous avons donc interpellé directement le directeur général de l’AFD, Rémy Rioux. Il était assez gêné car l’agence aime à se présenter comme une institution motrice de la lutte contre le réchauffement climatique. Sur ce projet charbonnier en Chine, l’AFD nous a dit qu’elle ne finance pas directement la centrale mais un système de co-génération, qui récupère la chaleur produite pour le chauffage urbain de la ville. En réalité, en développant ce système qui va coûter au moins 100 millions d’euros, l’AFD inscrit la centrale à charbon dans le temps. L’AFD reste piégée par cette dépendance au gaz et au pétrole car il n’y a pas de critères d’exclusion. 

La caisse des dépôts comme l’AFD sont en-deçà de ce que le fonds souverain de Norvège a fait. Il a annoncé il y a deux semaines ne plus investir dans le gaz et le pétrole. Il a décidé de définir des secteurs d’exclusion de son portefeuille d’investissement. C’est la seule attitude raisonnable à avoir. Au fond toutes ces institutions françaises qui pouvaient apparaître comme étant de bonnes élèves dans la lutte contre le réchauffement climatique il y a quelques années sont désormais à la traîne.

« Nous demandons de cesser les financements vers les énergies du passé »

Où en est-on dans le dossier de l’aéroport Notre Dame des Landes ?

Le rapport de la commission de médiation sur ce sujet doit être rendu publique aujourd’hui. Il y a eu des fuites, plutôt favorables aux opposants. Il y a la confirmation que réaménager l’aéroport existant coûterait en réalité deux fois moins cher que ce qui était prévu. Reste à savoir ce que Macron décidera en janvier prochain. Au-delà du projet d’aéroport, il y a aussi la question du devenir de la ZAD, la zone à défendre, occupée depuis plusieurs années par des opposants. Pour eux, même si le projet d’aéroport est abandonné, ils souhaitent rester car ils y développent l’expérience d’une société plus juste, durable et avec une empreinte carbone extrêmement réduite. Pour le gouvernement, l’enjeu est donc aussi de savoir comment se débarrasser de ces opposants.

Vous êtes parmi les acteurs de la récente campagne « Pas un euro de plus ». De quoi s’agit-il ? Les mobilisations citoyennes sont-elles actuellement plus efficaces ?

« Pas un euro de plus » est une campagne qui est née au mois de septembre à l’initiative d’une vingtaine d’organisations de la société civile française comme 350.org, Attac France, le réseau action climat, Greenpeace, Oxfam etc. Nous demandons de cesser les financements vers les énergies du passé. La semaine qui précédait le sommet nous avons obtenu une déclaration d’une centaine d’économistes du monde entier autour de cette revendication « pas un euro de plus ». Dimanche 10 décembre nous avons organisé un tribunal des peuples de la finance, qui a condamné les institutions financières à être la cible de campagnes citoyennes jusqu’à ce quelles entendent les revendications « pas un euro de plus ». On a mis en oeuvre ce verdict dès le 12 décembre par cette mobilisation organisée place du Panthéon. Je pense qu’elle a eu un impact et que les mobilisations citoyennes sont la principale source d’espoir, car les institutions qui agissent sur le front du réchauffement climatiques le font trop lentement.

« Il y a un décalage entre la prise de conscience du réchauffement climatique et l’incapacité à construire des mobilisations de masse sur le climat »

Au-delà de l’implication des associations, comment expliquer que l’opinion publique ne s’est pas encore saisie massivement de la question environnementale ?

Il y a en effet un décalage entre la prise de conscience du réchauffement climatique et l’incapacité à construire des mobilisations de masse sur le climat. Nous sommes tous invités à faire des petits gestes écolo. Mais on ne va pas s’attaquer à des problèmes de structure car nous avons abordé le climat comme une grande cause très consensuelle. Cela s’est fait au détriment de la capacité à nommer des responsables qui sont les entreprises et les politiques publiques. Il y a aussi des causes qu’on connecte insuffisamment peu au réchauffement climatique, comme la pollution atmosphérique. Elle est à la fois une cause et une conséquence du réchauffement climatique et nous ne sommes pas tous égaux devant ce phénomène. Certains ont la chance de vivre dans des petites villes de campagne et sont donc moins touchés par la pollution. D’autres habitent près de l’autoroute, à Aubervilliers ou Saint-Denis. Dans ces deux villes par exemple, les data centers sont extrêmement polluants avec leurs générateurs de secours qui fonctionnent en permanence. Si on arrive donc à intégrer ces préoccupations-là, alors on construira non seulement un mouvement pour la justice climatique plus populaire mais aussi davantage relié à la justice sociale et raciale.

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