Depuis plusieurs mois, des sondages à la limite du racisme circulent dans les magazines et quotidiens. Une étrange campagne de stigmatisation qui n’arrange pas les problèmes liés aux discriminations en France.
On connaissait les sondages parfois tendancieux du Point. En 2013, le magazine avait repris la phrase de Gilles Bourloudeix, député-maire UDI de Cholet, qui avait déclaré : « Hitler n’en a peut-être pas tué assez. » Le magazine en avait fait un sondage et proposait, parmi les propositions de réponses : « Je n’oserai jamais le dire, mais j’approuve cette phrase. » La rédaction du Point avait finalement dû retirer ce sondage et la Société des rédacteurs du magazine avait indiqué que, « avec un tel sondage, nous offrons une tribune aux positions les plus xénophobes, voire génocidaires, et accréditons ainsi l’idée que Le Point est devenu un média proche de la droite extrême. » Dont acte. Surtout que les sondages des sites de magazines semblent, en général, réalisés par le service marketing et non par les journalistes.
Juifs, musulmans, Roms… Tous dans le même sac
Mais malgré le tollé provoqué par la bourde du site du Point, la vigilance n’est pas toujours de mise. Au JDD, la semaine dernière, un sondage posait une autre question qui a interloqué ses lecteurs : « Vous-même, au cours de l’année, avez-vous personnellement rencontré des problèmes (insultes, agressions…) avec une ou plusieurs personnes issues des groupes suivants ? » Une question suivie d’une liste de propositions quelque peu étonnantes : « Personnes d’origine maghrébine, Roms, personnes de confession musulmane, d’origine africaine, de confession catholique », pouvait-on répondre. Les « personnes d’origine maghrébine » avaient évidemment remporté les suffrages, avec 29 % de réponses. Un nouveau sondage qui avait provoqué lui aussi une polémique.
Même pas une semaine plus tard, c’est au tour du Parisien de lancer un sondage étonnant, sur les juifs cette fois-ci. Ce sondage pose quatre questions, il demande aux personnes interrogées de dire si elles sont d’accord ou non avec plusieurs affirmations comme « Les juifs utilisent aujourd’hui dans leur propre intérêt leur statut de victimes du génocide nazi pendant la Seconde Guerre mondiale » ou « Les juifs sont plus riches que la moyenne des Français. » D’après ce sondage, les clichés auraient la vie dure : de nombreux Français pensent que les juifs sont riches, contrôlent les médias et sont dans la victimisation continue. Un sondage qui a choqué les internautes, une nouvelle fois.
Ce sondage est-il?
▫À gerber
▫ Dégueu
▫ Ignoble
(Plusieurs réponses possibles)
Source: IFOP/Le Parisien pic.twitter.com/yiPdOA4a1I— Paul Vacca (@paul_vacca) 12 Février 2016
Utiliser les préjugés pour les dénoncer
Qu’a voulu faire le Parisien ? « L’affaire Ilan Halimi montre que le travail de pédagogie, d’enseignement et de transmission doit être amplifié. Déconstruire les préjugés sur les Juifs, les musulmans, les homos… est la seule manière de pouvoir coexister », explique Sacha Reingewirtz, le président de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), qui a commandé, en partenariat avec SOS Racisme, le sondage à l’institut IFOP. Il s’agissait donc de déconstruire les préjugés en proposant, lors des appels de l’institut IFOP, des réponses bourrées de clichés. Les réponses « Vous ne savez pas », qui ont concerné un tiers des sondés, montre la bêtise d’un tel sondage. Des questions douteuses, des méthodologies contestables… Les instituts de sondage et les magazines participent à cette défiance entre communautés avec leurs sondages racistes. Jusqu’à quand ?