Jeudi, M. Bolsonaro semblait pencher pour une solution intermédiaire, évoquant plutôt l’ouverture d’une « mission diplomatique » à Jérusalem.
Lors d’une cérémonie militaire à Brasilia, il a laissé entendre qu’il ne voulait pas prendre de décision précipitée, affirmant que son homologue américain Donald Trump avait « pris neuf mois » pour prendre sa décision finale au sujet du transfert de l’ambassade.
Avec l’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro, parfois surnommé le « Trump tropical », le Brésil a opéré un virage diplomatique à 180 degrés, rompant avec sa tradition de multilatéralisme pour s’aligner systématiquement sur Washington.
Le premier ministre Benjamin Netanyahu a déjà rencontré M. Bolsonaro au Brésil début janvier, saluant une « nouvelle fraternité » entre les deux pays. Il était un des rares dirigeants de premier plan à avoir fait le déplacement à Brasilia pour l’investiture du président d’extrême droite.
C’est une des raisons pour lesquelles le président brésilien a annoncé après son élection son intention de transférer l’ambassade brésilienne à Jérusalem.
Pour Jair Bolsonaro, le transfert de l’ambassade est aussi un enjeu de politique intérieure : il compte ainsi satisfaire l’électorat évangélique, très attaché à Israël, qui a fortement contribué à sa victoire lors du scrutin d’octobre.
Le gouvernement a notamment besoin du soutien du très influent lobby évangélique au Congrès pour faire approuver la cruciale réforme des retraites, un tâche qui semble de plus en plus compliquée en raison de tensions récentes entre Jair Bolsonaro et le président de la chambre des députés Rodrigo Maia.
Le président brésilien a toutefois tempéré ses ardeurs, son autre soutien de poids, le lobby de l’agro-négoce, craignant des représailles de pays arabes, car le Brésil est le premier exportateur au monde de viande halal.
Coopération militaire
Pour Benjamin Netanyahu, la visite de Jair Bolsonaro arrive à point nommé : en pleine campagne électorale pour le scrutin du 9 avril, il pourra se vanter du soutien du président de la plus grande puissance d’Amérique latine.
« Cette visite va lui servir à montrer qu’il a des amis dans le monde entier », explique à l’AFP Raphael Eldad, ambassadeur d’Israël au Brésil de 2011 à 2014.
Le Premier ministre israélien vient de remporter une victoire de taille sur le plan diplomatique, avec la décision du président Donald Trump de reconnaître la souveraineté d’Israël sur plateau du Golan.
En termes de relations commerciales, le Brésil espère augmenter ses exportations de viande et de soja, mais aussi nouer des accords pour l’usage de technologies de pointe israéliennes, notamment en ce qui concerne la production d’eau potable dans les régions semi-arides du nord-est.
Ex-capitaine de l’armée, Jair Bolsonaro compte aussi intensifier la coopération militaire pour avoir accès à une partie des systèmes de défense ultra-sophistiqués d’Israël.
« Nous ne pourrions pas obtenir ces technologies sans nouer des relations plus étroites avec Israël. Rien n’est gratuit », a déclaré mercredi le ministre des Affaires étrangères brésilien Ernesto Araujo.
« Agression inutile »
En 2018, les exportations brésiliennes vers Israël ont totalisé 321 millions de dollars, contre 1,168 milliard de dollars d’importations, notamment de pesticides et autres produits chimiques, d’après les chiffres officiels du gouvernement brésilien.
Mais s’il tenait sa promesse de transférer l’ambassade du Brésil à Jérusalem, Jair Bolsonaro pourrait compromettre des exportations bien plus lucratives vers les pays arabes, à hauteur de 11,486 milliards de dollars.
Ernesto Araujo a affirmé la semaine dernière que ce transfert était « encore à l’étude » et qu’il s’agirait d’une contribution à la paix et à la stabilité au Proche-orient.
L’ambassadeur de Palestine à Brasilia, Ibrahim Alzeben, a déclaré au contraire à l’AFP qu’il s’agirait d’une « agression inutile »
« Le Brésil a toujours (…) été un promoteur du processus de paix. Je ne comprends pas, je persiste à ne pas comprendre ni m’expliquer cette position qui revient à vouloir être partie d’un conflit entre la Palestine et Israël », a-t-il ajouté.
Le transfert de l’ambassade « aurait un poids symbolique important, mais le gouvernement Bolsonaro n’a pas encore fixé le calendrier, je ne crois pas que cela va se concrétiser de si tôt », explique à l’AFP le politologue Paulo Kramer, de l’Université de Brasilia (UNB).