Il y a quelques années, une annonce parue dans la rubrique immobilière du journal tunisien La Presse était presque inaperçue. Un propriétaire louait un appartement mais précisait que ce dernier était « interdit aux Africains », comprenez aux Noirs. Malgré une nouvelle constitution, la Tunisie ne condamnait pas le racisme… jusqu’à aujourd’hui. « La Constitution garantit l’égalité des droits, mais nous voulons un article pour condamner les racismes », demandait l’Association tunisienne de soutien aux minorités en 2015. L’organisation de lutte contre les discriminations promettait de faire le forcing auprès des députés.
Il aura fallu plusieurs années aux élus pour, enfin, prendre conscience de ce phénomène. Et encore, ce n’est pas tout à fait gagné. Pour la députée du parti islamiste Ennahdha, Hella Hammi, « en Tunisie, il n’y a pas de vraies manifestations de discriminations raciales qui nécessitent tout un projet de loi dans ce sens. » C’est oublier un peu vite les Subsahariens qui ont été agressés ces dernières années dans le pays ou les surnoms injurieux donnés aux personnes noires vivant dans la banlieue tunisoise. En août, des Ivoiriens avaient été agressés. Selon un ancien dirigeant politique, le racisme fait partie de ces problèmes « importés par les Occidentaux. »
Lors du vote sur la loi antiraciste, le député de la Voix des agriculteurs, Faycel Tebini, a d’ailleurs estimé qu’« il n’y a pas de discrimination raciale en Tunisie » et a appelé « à ne pas semer la rancune et les conflits dans la société. » Pourtant, si certains amendements ont été rejetés, la loi est passé à la quasi unanimité, un seul élu sur les 131 présents ayant voté contre. Preuve de la volonté politique de prendre enfin en compte ce phénomène de société. De quoi faire couler les larmes de Saadia Mosbah, présidente de l’association M’nemty qui lutte contre les discriminations raciales depuis de nombreuses années.
Reste maintenant à passer de la parole aux actes. Pour l’élu Salem Labiadh, « la loi antiraciste ne sera jamais efficace. Elle aidera l’Etat à recevoir des fonds de l’étranger mais n’aura aucun impact sur la société tunisienne. » C’est certainement là l’enjeu des années à venir : faire appliquer la loi. Les autorités ont désormais les cartes en mains, puisque la loi prévoit que les auteurs de propos racistes risqueront désormais de un à six mois de prison et des amendes allant de 500 à 1 000 dinars tunisiens.