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Vœux de ramadan : pourquoi Emmanuel Macron est aux abonnés absents

C’est presque devenu une habitude « made in France ». L’an dernier, pendant qu’Angela Merkel, Barack Obama, James Cameron et Justin Trudeau formulaient leurs vœux aux musulmans pour le début du mois béni, François Hollande, alors président français, restait totalement silencieux. Comme Nicolas Sarkozy avant lui à la même période. Et Emmanuel Macron ne devrait donc logiquement pas déroger à la règle en ne souhaitant pas le début de ramadan à ses compatriotes musulmans. Pourtant, les faits sont là : même les chefs d’Etat les moins islamophiles de la planète ont formulé leurs vœux en ce début de mois béni : Donald Trump a par exemple souhaité, dans un communiqué, « un joyeux ramadan à tous les musulmans » et même Netanyahu y est allé de son petit message de vœux. C’est dire. Mais en France, du président de la République au ministre de l’Intérieur — par ailleurs chargé des Cultes — en passant par le Premier ministre, tous restent cette année silencieux. Avec une nuance tout de même, comme le précise l’avocat Asif Arif : « On peut voir les vœux du CFCM comme des vœux officiels de la part de l’Etat. »

Des présidents successifs qui ont toujours eu un problème avec la religion

N’empêche, le CFCM n’est ni Emmanuel Macron ni Edouard Philippe. Alors, pourquoi la France fait-elle autant exception alors qu’elle compte un taux de musulmans important sur son sol ? Auteur du livre « François Hollande, Dieu et la République » et rédacteur en chef du magazine Famille Chrétienne, Samuel Pruvot expliquait à ce propos dans Le Figaro que le problème a toujours existé dans la Ve République. « Le malaise vis-à-vis de la question religieuse est d’autant plus profond en France qu’il est inconscient », explique-t-il. François Mitterrand avait, en son temps, fait une confidence étonnante à un de ses amis : « Je me sens très mal à l’aise dans une mosquée et avec l’Islam en général. » Les présidents successifs français ont toujours eu ce problème avec l’Islam en particulier, avec la religion en général. Sarkozy avait été rompre le jeûne lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, mais pas pendant son passage à l’Elysée. François Mitterrand faisait, presque chaque année, un discours de… clôture du mois de ramadan. Lors de sa première année à l’Elysée, François Hollande n’avait lui non plus pas souhaité le ramadan mais l’Aïd-el-Fitr. Depuis sa prise de fonctions, Emmanuel Macron n’a pas souhaité le jeudi de l’Ascension aux chrétiens. On doute donc qu’il souhaitera le ramadan aux musulmans. D’autant que, lors de la campagne présidentielle, il avait été jugé un peu trop islamophile, proche de l’UOIF et affublé du surnom de « Djamel Macron ». Un message pour le ramadan lui vaudrait les foudres des laïcistes aux aguets.

Vœux de ramadan : la règle, c’est qu’il n’existe pas de règle

D’aucuns jugeraient en effet d’éventuels vœux du président de la République anti-laïques. Et pourtant, comme le souligne Asif Arif, spécialiste de la laïcité, « la laïcité ne veut pas dire la neutralisation du fait religieux, qui existe dans notre société et qu’on ne peut pas dénier. La laïcité est aussi un moteur du vivre-ensemble. » Confirmation de Nicolas Cadène, rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité, qui tient à préciser que « la laïcité n’empêche ni ne suppose que les ministres ou autres souhaitent une fête religieuse. » Mais pour Asif Arif, « le chef de l’Etat peut très bien souhaiter une bonne fête de l’Ascension aux chrétiens de France ou la fête de Noël. Il peut également souhaiter à titre fraternel — puisque c’est un des pans de la devise de notre pays — un bon mois de ramadan aux musulmans de France. » De son côté, Nicolas Cadène comprend que si le président et les ministres souhaitent leurs vœux pour une fêtes religieuse quelle qu’elle soit, « dans une logique laïque, il faudrait qu’ils les fêtent toutes même celles de religions peu pratiquées en France. » En résumé, la règle, c’est donc… qu’il n’existe pas de règle.

Macron pourrait casser les codes en envoyant un message aux musulmans

Mais au-delà de la loi — qui n’interdit ni n’oblige à souhaiter un bon ramadan aux musulmans, donc —, le chef de l’Etat, en restant silencieux, tente de ménager les uns et les autres. Une partie de son électorat est à l’affut du moindre message qui toucherait au religieux. Mais cela peut logiquement agacer les musulmans, qui se sentent stigmatisés par les gouvernements successifs depuis plusieurs quinquennats. D’autant que, alors qu’il s’est présenté comme un candidat hors-système pendant toute sa campagne, Emmanuel Macron pourrait très bien envoyer un message fort à tous les musulmans de France et ainsi casser les codes mis en place par ses prédécesseurs. « Il faut dépasser ces clivages d’un Etat neutre qui regarderait les gens du haut de sa tour. Il faut entrer dans la vie politique telle qu’elle est. Et Emmanuel Macron pourrait être cette personne », estime Asif Arif. Nicolas Cadène, lui, assure que les présidents français souhaiteront peut-être un bon ramadan aux musulmans « lorsque cette fête sera devenue culturelle et plus seulement religieuse. » Un peu comme Noël.

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