Même si le constat est douloureux, l’Arabie saoudite a dû s’y résoudre : l’économie mondiale – et la sienne, par ricochet – sera à terme de moins en moins dépendant du pétrole, dont il est le principal producteur mondial. Une déclaration d’indépendance qui se traduit déjà par une chute structurelle des cours du brut depuis plusieurs mois – et en dépit d’efforts coordonnés des membres de l’OPEP – en deçà de la barre des 50 dollars le baril. Le royaume wahhabite est donc acculé à développer d’autres sources de revenus ; c’est dans cette optique que le fonds souverain saoudien (Public Investment Fund, PIF) a annoncé, la semaine dernière, la création d’un méga-complexe touristique s’étalant sur 200 kilomètres sur les abords de la Mer Rouge, au nord-ouest du pays. Plages de sable fin, récifs de corail et spots de plongée sous-marine, parc naturel doté de volcans inactifs, site archéologique de la civilisation nabatéenne pré-islamique – inscrite au patrimoine mondial de l’Humanité par l’UNESCO -, autant d’atouts que le royaume des Saoud entend exploiter pour attirer, à l’horizon 2022, un million de touristes étrangers.
1 million de touristes attendus en 2022
Un complexe qui ressemblera davantage à une enclave quasi-autonome, puisque les initiateurs du projet en prévoient l’accès « sans visa » et un cadre réglementaire et de gestion « en conformité avec les standards internationaux ». Est-ce à dire que l’on y verra des femmes en bikini se prélasser sur les plages encore vierges du nord-ouest saoudien ? Ou la consommation de boissons alcoolisées autorisée ? Il est encore trop tôt pour l’avancer, aucune précision n’ayant été apportée par les promoteurs. Tout au plus, rapporte la BBC, sait-on que cette nouvelle villégiature s’étendra sur une superficie équivalente à celle de la Belgique et qu’elle sera régie par des « normes propres », dans « un cadre réglementaire conçu et appliqué par un comité directeur privé ». Ce méga-projet de luxe devrait en tout cas redynamiser l’économie saoudienne, en injectant au moins 4 milliards de dollars dans le PIB et en créant quelque 39 000 postes de travail, dans un pays où la grogne sociale monte. Des arguments suffisants pour que l’étau sociétal imposé par les dirigeants ultra-conservateurs du royaume se desserre enfin ? C’est possible, à défaut d’être, pour l’instant, probable. Le coup de pouce de Mohamed Bin Salman, le jeune (31 ans) et influent prince désigné héritier d’Arabie saoudite, y est en tout cas pour beaucoup. Doté d’un capital de 183 milliards de dollars, le PIF a programmé les premiers investissements pour 2019, qu’il espère être relayés par ceux des grandes chaînes hôtelières internationales. Mais l’effet d’entraînement du projet dépendra, in fine, de la teneur de ces « normes propres »…