Des centaines de morts, et plus de 70 000 réfugiés : tel est le triste bilan de « l’opération nettoyage » qui a duré quatre mois. Quatre mois, en fait, de répression aveugle à l’encontre de la minorité musulmane de l’Etat Rakhine, menée par les forces armées de Birmanie en réponse à l’attaque de postes de police par – supposément – des activistes Rohingya. Les rescapés de ce que l’ONU n’a pas hésité à comparer à des « crimes contre l’humanité » ont livré des témoignages glaçants sur les exactions de l’armée dans cet Etat de la côte occidentale de la Birmane, où les représentants de médias étrangers ont été interdits d’entrée. Viols, meurtres, tortures, incendies de villages entiers ont constitué le lot quotidien des Rohingya depuis octobre 2016.
Pression internationale
Selon un rapport officiel des Nations Unies, établi sur la foi des témoignages de réfugiés au Bangladesh, les troupes birmanes ont mis en oeuvre « une politique de la terreur délibérée équivalant probablement à des crimes contre l’humanité ». Des accusations graves que l’Etat birman a rejetées en bloc, arguant que ces témoignages recueillis et relayés par des ONG et des médias étrangers étaient fabriqués de toutes pièces. Néanmoins, l’indignation onusienne a permis d’accentuer la pression sur le gouvernement civil de Birmanie, dirigé par le prix Nobel de la Paix Aung San Suu Kyi mais dont les principaux leviers sont toujours sous contrôle de l’armée. Un rapport de forces qu’elle n’a pu – ou voulu – inverser depuis son accession au pouvoir. « La situation au nord de Rakhine est maintenant stabilisée », a déclaré Thaung Tun, son tout récent conseiller à la Sécurité intérieure. « Les opérations de nettoyage entreprises par les militaires sont terminées, le couvre-feu a été allégé et il ne reste plus qu’une présence policière pour préserver le calme », a-t-il précisé. Le gouvernement birman avait chargé une commission spéciale, présidée par un ancien militaire et actuel vice-président du pays, Myint Swe, d’enquêter sur les affirmations de l’ONU. « Nous avons démontré que nous étions prêts à agir quand il y a des preuves évidentes d’abus », a poursuivi le conseiller Tun dans son communiqué.
Plus d’un million de musulmans Rohingya vivent dans l’Etat Rakhine (ou Arakan), où ils sont traités comme des immigrés illégaux originaires du Bangladesh et comme tels, la citoyenneté birmane leur est déniée. Des conflits aigus avec la majorité bouddhiste en 2012 avaient conduit des dizaines de milliers de Rohingya dans des camps, où leurs conditions de vie hautement précaires ont été dénoncées par les ONG de défense de droits de l’Homme, qui n’hésitent pas à qualifier la situation de nouvel apartheid. Et la présidente Aung San Suu Kyi a été vivement critiquée pour son silence complice durant ces derniers mois, détruisant ainsi l’image de démocrate qu’elle a durement bâtie sous l’ancien régime militaire. Le Pape François a pour sa part dénoncé à plusieurs reprises la situation des Rohingya, affirmant notamment, la semaine dernière, qu’ils avaient été torturés et tués « simplement parce qu’ils voulaient vivre leur culture et leur foi musulmane ».