« Je me présente en 2002, je suis coupable de l’échec de la gauche ; je ne me présente pas en 2017, je suis coupable du probable échec de la gauche. » Dans l’hebdomadaire Le 1, l’ancienne ministre de la Justice Christiane Taubira explique pourquoi elle a refusé de se présenter à l’élection présidentielle. Pourtant l’un des espoirs des électeurs de gauche — qui ont lancé une pétition pour inviter l’ex-Garde des Sceaux à se présenter à la primaire —, Christiane Taubira n’a toujours pas digéré l’accusation qui lui a été faite d’avoir parasité la candidature de Lionel Jospin, éliminé dès le premier tour de la présidentielle, en 2002. Consciente de l’attente des gens de gauche, la politique dit comprendre « les reproches » qui lui sont faits.
Manuel Valls en prend pour son grade
Dans cette interview parue ce mercredi, c’est surtout son analyse du Parti socialiste qui marque les esprits. Celle qui fut ministre de Jean-Marc Ayrault puis de Manuel Valls ne mâche pas ses mots quand il s’agit de parler de la gauche. Cette dernière a, dit-elle, « renoncé à ce qui l’identifie. » C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elle avait quitté ses fonctions, reprochant notamment au gouvernement d’avoir lancé le débat sur la déchéance de nationalité. La gauche, continue Christiane Taubira, « connaît maintenant un ressac. Pas un reflux, un ressac : elle ne recule pas seulement, elle bute sur ses propres renoncements. » Pour elle, la gauche s’est tout simplement « soumise à l’hégémonie culturelle de la droite, au sens où l’a analysée Gramsci, en adoptant ses codes et son langage. »
Dans la suite de son entretien, Christiane Taubira envoie valser celui qui fut son Premier ministre. Manuel Valls avait, affirme-t-elle, divisé plus qu’il n’essayait d’unir. « Le style du nouveau Premier ministre, c’était de souligner les angles, pas de les arrondir ou de tisser des liens pluriels. Il défendait ses positions sans guère laisser de place aux réserves ou aux désaccords. » Une façon de procéder qui a amené Manuel Valls à user à plusieurs reprise du 49.3. Mais le Premier ministre a, depuis, démissionné et l’espoir est donc toujours permis. « La gauche doit renouer avec ce qui garantit sa fidélité à elle-même : ses causes donc, mais aussi ses méthodes. Le goût du débat, de la dispute, de la controverse », estime Christiane Taubira, qui conseille à la gauche de « cultiver son unité en consentant à ses différences. »