Rien de nouveau sous le soleil français, en termes de recrutement. Une étude commanditée par le gouvernement et dont les résultats ont été présentés hier confirme qu’en matière de recherche d’emploi et de recrutement, mieux vaut s’appeler Pierre que Mohamed. Entre avril et juillet 2016, le ministère du Travail a chargé un cabinet d’études, ISM Corum, de mener une campagne de testing auprès de 40 grandes entreprises employant chacune plus de 1000 employés, dans six villes françaises différentes. Les enquêteurs ont envoyé 3000 candidatures en réponse à 1500 offres d’emploi diffusées par ces sociétés. Chaque offre recevait donc deux candidatures en tous points identiques – en termes de formation, de parcours professionnel, de maîtrise des langues, etc. Seule différence – et qui s’est donc avérée de taille : le patronyme, qui sonnait tantôt « France profonde », tantôt « Afrique du Nord ».
Mieux vaut être une femme cadre qu’un homme employé
Les résultats sont sans appel : Dans une mesure plus ou moins importante, 12 des 40 entreprises analysées ont écarté les CV des candidats dont le nom était à consonance arabe. Et même dans le cas des candidats ayant réussi à franchir ce premier obstacle, la phase de l’entretien s’est révélée une autre source flagrante de discrimination : 47% des candidats au nom bien français ont été appelés en entretien, contre 36% des candidats originaires d’Afrique du Nord – soit un écart de 11 points. Les écarts aux dépens des candidatures « maghrébines » s’observent aussi bien pour les recrutements d’employés (12 points) que pour ceux des managers (9 points), pour les hommes (12 points) ou pour les femmes (10 points). Seule étincelle d’optimisme : dans 71% des cas, les candidatures ont reçu le même traitement – rejet, invitation à un entretien ou aucune réponse – nonobstant le patronyme qui y figurait.
Si les auteurs du rapport rappellent que l’échantillon est trop restreint pour en généraliser les résultats à toutes les entreprises françaises, il n’en demeure pas moins que pour Myriam El Khomri , ces données mettent à mal la promesse républicaine d’égalité entre les citoyens. « Ces tests, menés de manière inédite à cette échelle, montrent clairement une inégalité de traitement flagrante en matière de recrutement », a commenté hier la ministre du Travail. Une dénonciation reprise par l’ex-Premier ministre et candidat à la primaire de la gauche, Manuel Valls, qui a qualifié ce phénomène « d’apartheid spatial, social et ethnique » envers les citoyens « d’ascendance étrangère ». L’une après l’autre, les études ne font que confirmer une discrimination structurelle à l’embauche contre les candidats d’origine étrangère. Ce testing sera-t-il enfin décisif pour la généralisation des CV anonymes ?