Emmanuel Macron, le candidat à la présidentielle d’En Marche, a profité d’un voyage de deux jours en Algérie pour répondre à un journaliste de la chaîne privée Echorouk News. Au cours de l’entretien, le candidat a affirmé qu’il fallait clôturer le deuil de la guerre d’Algérie, ajoutant : « Pour cela, il faut avoir le courage de dire les choses et de ne céder à aucune simplification. La colonisation a entraîné la négation du peuple algérien. Cela a provoqué une guerre qui n’est pas digne de la France. » Macron est allé jusqu’à affirmer clairement : « La colonisation est un crime, un crime contre l’Humanité, qui fait partie de l’Histoire de France, une vraie barbarie que nous devons regarder en face en présentant nos excuses. »
Aussi, je remercie et salue Emmanuel Macron qui, le premier, plus de 50 ans après la fin de la guerre d’Algérie, ose enfin regarder la vérité en face, reconnaissant que la France a asservi un peuple, conduisant en partie à son massacre, à son humiliation. Certains diront qu’il y en a assez de la repentance, mais comme le dit Macron, comment faire le deuil du passé si les hommes et femmes politiques contemporains le nient, souhaitent effacer des blessures si profondes pourtant dans le cœur des Algériens ? Il est un devoir que de se rappeler, que de faire exister la mémoire afin d’en tirer des leçons, afin de permettre à la plaie de se panser.
« La colonisation était bien une guerre »
D’autres encore taxeront d’opportuniste la position d’un Macron en quête des voix des populations maghrébines issus de l’immigration, mais Macron, il faut le reconnaître, quelle que soit sa motivation, a su poser des mots forts et assumer une position de vérité face à l’Histoire dans une démarche honnête et diplomatiquement intelligente, n’imposant pas, comme un Fillon ou une Le Pen, des versions déformées de l’Histoire, imposant une culture reconstruite et mensongère, traduisant des positions idéologiquement orientées et partisanes.
D’autres encore, diront que la notion de « crime contre l’Humanité » évoquée est inappropriée, cherchant encore à minimiser les désastres de la colonisation, et pourtant, cette notion n’est pas absurde : tout d’abord, elle permet enfin de mesurer la gravité des conséquences de la colonisation française en Algérie (et ailleurs). Et, la colonisation était bien une guerre : guerre de conquêtes, guerre coloniale qui s’illustrait en tant que guerre totale. En effet, une militarisation du territoire et du rapport à la population était menée, abolissant la distinction entre civil et militaire, la terre devenant aussi le potentiel champ de bataille; l’Algérie était un terrain de chasse.
De plus, doit-on rappeler que les populations furent parfois soumises à des travaux forcés dévastateurs, à des tortures, et ce, sans motifs délictueux ? Nous pouvons aussi rappeler le massacre de Sétif, Guelma et Kherrata, du 8 mai 1945 qui dura, causa la mort d’entre 35 000 et 40 000 personnes, impliquant toutes les forces armées, ainsi que des milices coloniales. Les Algériens ne devinrent pas des citoyens français, mais avant tout des sujets français. Et la nuance est de taille ! Emmanuel Macron a enfin reconnu cette abomination, rendant la France digne en la faisant regarder son passé avec lucidité et en disant enfin pardon à une Algérie qui l’attendait depuis trop longtemps.