En juillet 2016, Emmanuel Macron n’était pas encore président de la République, mais Hakim El Karoui faisait au jeune candidat à l’Elysée une série de propositions sur l’« Islam de France », parmi lesquelles la création d’une fondation qui serait l’« interlocuteur exclusif » de l’Etat français. Le membre de l’institut Montaigne évoquait alors la possibilité de mettre en place une CVO (contribution volontaire obligatoire) sur la viande halal ou plus globalement de taxer « la consommation islamique. »
Dans son document de présentation à En Marche !, El Karoui présentait déjà les futurs freins à ses idées. Il craignait ainsi une « levée de boucliers des grandes mosquées et des maires de ces villes » ou encore le « risque d’un déficit de légitimité dans les premières années de fonctionnement. » L’ancien banquier d’affaires avait vu juste : lors d’un rendez-vous pour présenter sa future Association musulmane de l’Islam de France (AMIF), Hakim El Karoui avait réuni peu d’acteurs de la communauté.
Mettre fin aux « ingérences étrangères » et profiter des mannes financières du halal et du pèlerinage.
Malgré un manque de soutien évident, l’Etat semble vouloir laisser libre-court à une multitude d’initiatives. Et elles sont nombreuses : outre la démarche de Hakim El Karoui, le CFCM a lui aussi lancé son association de financement, et la plateforme L.E.S. Musulmans présent elle aussi son projet. Du côté de l’ex-banquier d’affaires, on est en tout cas passé à la vitesse supérieure. Son AMIF sera en effet lancée dans « quelques jours », indique Le Monde. Son objectif ? Favoriser « une intégration sereine de l’Islam en France. » Ce lundi, Hakim El Karoui a présenté son association dont les statuts vont être déposés.
L’AMIF sera, prévient le Monsieur Islam d’Emmanuel Macron, « un tiers de confiance au service des fidèles, sans conflit d’intérêts. » El Karoui vise sans le redire les membres du CFCM qui sont, selon lui, à la fois juges et parties dans l’organisation du culte et surtout dans son financement. L’auteur de « L’Islam, une religion française » veut ainsi mettre fin aux « ingérences étrangères » et profiter des mannes financières du halal et du pèlerinage.
Premier chantier : certifier les agences de voyages proposant le hajj
Plus étonnant : l’association disposera d’un « conseil théologique », animé par Tareq Oubrou, recteur de la mosquée de Bordeaux, et Mohamed Bajrafil, imam à Ivry. Une seconde association, de loi 1905, qui recueillera les dons des fidèles et sera en charge de redistribuer les fonds à des projets de construction de mosquées ou encore à la formation des imams.
Mais d’ores et déjà, la mission de l’AMIF s’annonce difficile. Hakim El Karoui avait prévenu à l’été 2016 qu’il faudrait « un renouvellement démocratique le plus large possible dans un délai relativement bref » des membres de son association pour éviter d’être illégitime. L’ex-directeur chez Rothschild & Cie devra aussi faire face à une levée de boucliers de la part des acteurs du halal, qui ont déjà transmis une fin de non-recevoir quant à la « taxe halal ». C’est donc par le pèlerinage que débutera la mission de l’AMIF.
Avec l’ACEF, qui dit vouloir « faire cesser les arnaques du pèlerinage à La Mecque », l’AMIF compte en effet rendre plus transparent le marché du hajj et s’imposer comme un « organisme de certification » des agences de voyages. En contrepartie, l’association ponctionnerait une rémunération de la part de ces mêmes agences. Mais cela implique un accord avec les autorités saoudiennes pour que celles-ci promettent leurs visas aux agences agréées AMIF.