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Manifeste « contre un nouvel antisémitisme » : une fatwa lancée contre les musulmans de France

« Mal nommer un objet, c’est ajouter au malheur de ce monde », écrivait en son temps Albert Camus. Il en est qui déforment le réel et masquent la vérité en mal nommant les choses. Ceux-là ont paraphé un bien étonnant manifeste, il y a quelques jours dans Le Parisien.

Du haut de leur piédestal, ils ordonnent « que les versets du Coran appelant au meurtre et au châtiment des juifs, des chrétiens et des incroyants soient frappés d’obsolescence par les autorités théologiques. » Les trois-cents signataires du manifeste « contre le nouvel antisémitisme » se croient revenus au temps des croisades.

Sur le fond, tout ou presque dans ce manifeste est à jeter. D’abord le postulat de départ : un comptage des déménagements de familles juives dus à cet antisémitisme des banlieues. Des chiffres livrés par le BNVCA (Bureau national de vigilance contre l’antisémitisme) de Sammy Ghozlan, un organisme plus militant que scientifique, qui soutient activement la politique de Netanyahu. Ce « nouvel antisémitisme », c’est cet antisémitisme que l’on « tète avec le lait de sa mère » dans « les familles arabes », comme l’expliquait autrefois l’historien Georges Bensoussan, par ailleurs signataire de cette pétition.

De Tariq Ramadan à Rachid Benzine, les islamologues sont unanimes

Ces chantres de la laïcité ont donc décidé qu’il fallait revoir l’interprétation de certains versets du Coran, ignorant comme l’écrit Dominique Vidal sur son blog que l’Islam « ne dispose pas d’’autorités théologiques’ à même de modifier des versets du Coran. » Mais ces trois-cents-là, certainement bercés aux études de l’institut Montaigne, voudraient une sorte de Vatican II pour décider ce que doit être l’Islam aujourd’hui en France.

Ils oublient que de nombreux savants musulmans ont condamné l’antisémitisme. Parmi eux, le Dr. Muzammil Siddîqî, qui explique que « l’antisémitisme est un sectarisme et un racisme. Il s’agit d’une chose condamnable qui n’a aucune place ni en Islam ni dans le Coran. » Les textes sacrés vont d’ailleurs dans ce sens : tout juste installé à Médine, le Prophète avait prévenu : « Celui qui est injuste envers un contractant (juifs et chrétiens de Médine, ndlr), je témoignerai contre lui le jour du jugement dernier. » Tariq Ramadan l’a asséné à de nombreuses reprises : « L’antisémitisme est anti-islamique. »

Malgré tout, les versets visés par les signataires du manifeste nécessitent-ils une petite mise à jour ? « Quinze siècles se sont écoulés entre sa mise par écrit et la période à laquelle nous vivons. Le propre des grands textes est de s’enrichir sans cesse de nouvelles lectures, selon les lieux et les époques auxquels on les lit », résume l’islamologue Rachid Benzine dans La Croix.

Selon ce dernier, la demande de rendre obsolètes des versets du Coran « est typique de cette propension actuelle à épurer tous nos chefs-d’œuvre, y compris littéraires ou musicaux, à débaptiser les noms des rues, etc., au fond à vouloir faire table rase de ce qui, dans notre passé, ne correspond pas à nos valeurs modernes. Ce n’est pas une attitude responsable ! » L’islamologue est catégorique : « Il n’est donc pas question de demander aux chrétiens d’épurer la Bible pas plus qu’aux musulmans d’épurer le Coran : il faut vraiment être dénué de toute culture religieuse pour imaginer une chose pareille ! »

Les musulmans, islamistes ou citoyens français ?

Le fond ne répond à aucune logique (l’école républicain apprend à être critique, que l’on lise un livre saint, du Voltaire ou du Jules Ferry) ; la forme, elle, est dérangeante : ces trois-cents artistes, anciens dirigeants politiques et intellectuels infantilisent plusieurs millions de leurs concitoyens qui n’ont qu’un seul tort : être musulmans. Ils semblent tous penser que les Français musulmans font passer la charia au-dessus des lois républicaines faisant de deux-ci des présumés coupables.

Coupables ou en tout cas complices. Frapper d’obsolescence certains versets du Coran permettrait, selon les signataires de ce manifeste, « qu’aucun croyant ne puisse s’appuyer sur un texte sacré pour commettre un crime. » Dans une tribune publiée par Slate, Claude Askolovitch écrit que « la pratique et le temps ont lavé les scories du Coran, sauf dans les milieux radicaux, précisément, sur lesquels nul n’a d’influence, et certainement pas les institutions. »

Etait-il obligatoire d’écrire une lettre ouverte aussi à charge contre les musulmans de France ? Il n’y a qu’à voir les quelques noms qui ornent ce manifeste : Philippe Val, l’auteur du manifeste, mais aussi Manuel Valls, Hassen Chalghoumi, Boualem Sansal, Jeannette Bougrab, Marine Gozlan, Céline Pina et Bernard de la Villardière. Tout est dit.

Infantiliser, c’est chercher à poser son influence. Ceux-là et quelques autres ont décidé d’écrire un texte à destination des « autorités théologiques », de « l’Islam de France. » C’est en réalité un procès d’intention fait à tous les musulmans. Les mots ont un sens et l’« épuration ethnique » dont parle l’auteur du texte a bien eu lieu en France il y a plusieurs décennies. Les musulmans étaient alors pour la plupart dans leurs pays respectifs, colonisés par la France, à faire les Justes.

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