Le Premier ministre a opposé les femmes voilées à notre Marianne dénudée pour prôner la libertés des femmes. Un contresens, selon une historienne.
Hier soir à Colomiers, le Premier ministre a continué sa croisade contre le burkini en particulier, contre le voile en général. Lors d’un discours, il aurait ajouté à la dernière minute une phrase qui sera, finalement, la seule dont on se souviendra : « Marianne, elle a le sein nu parce qu’elle nourrit le peuple, elle n’est pas voilée parce qu’elle est libre ! » Et Manuel Valls de conclure : « C’est ça la République ! » Visant, sans les nommer, Marisol Touraine et Najat Vallaud-Belkacem, qui s’étaient élevées contre les arrêtés municipaux anti-burkini, Manuel Valls a déclaré qu’il fallait mettre fin à « l’entre-deux et la politique de l’autruche. »
La « crétinerie » de Manuel Valls
Si la comparaison avec Marianne a certainement plu à Laurence Rossignol, premier soutien de Manuel Valls dans sa lutte contre le voile, et qui a affirmé qu’elle ne permettrait pas « aux religieux de prendre une part plus grande dans l’espace public », elle a choqué l’une des spécialistes des révolutions et de la citoyenneté. L’historienne Mathilde Larrere, auteur de « L’urne et le fusil », s’est insurgée contre la petite phrase du Premier ministre. « Marianne a le sein nu parce que c’est une allégorie, crétin », a précisé l’historienne.
Selon Mathilde Larrere, également maître de conférences à l’université Paris-Est Marne-la-Vallée, Marianne n’aurait donc pas le sein nu parce qu’elle nourrit le peuple, mais parce qu’elle a été faite « sur le modèle des allégories antiques, sans que ça signifie quoi que ce soit… juste un code artistique. » Les deux représentations de Marianne — l’une au sein nu, l’autre non — illustrerait donc simplement une opposition entre républicains libéraux conservateurs et radicaux révolutionnaires et ne serait, en aucun cas, un message envoyé aux femmes à une époque où ces dernières étaient… interdites de vote.
La Marianne au sein nu, allégorie du 19e sc, siècle du Code civil qui réduisait les femmes au statut de mineurs et leur interdisait le vote
— mathilde larrere (@LarrereMathilde) August 29, 2016