C’est un peu la grande inconnue. Consulter les Français musulmans de tous bords pour connaître leur avis sur l’organisation de leur culte. L’idée paraît logique. Et pourtant, depuis plusieurs années, la parole sur ce thème est confisquée entre autres par le CFCM, des organismes comme l’institut Montaigne et les élus politiques. « Lorsqu’on a initié cette consultation, cela a semblé être une évidence. Personne ne s’était dit : ‘Ah tiens, si on leur demandait ?’ », s’étonne Marwan Muhammad, à l’origine de cette consultation.
« Un vrai test pour les gens de savoir s’ils veulent ou non prendre leur destin en mains »
Dans une tribune dans Le Monde, écrite pour dire qu’« il est temps de consulter les musulmans sur l’organisation de leur religion », Marwan Muhammad dresse d’abord un constat : « La façon dont l’Etat se comporte avec les citoyens de confession musulmane reste bloquée dans un autre temps, dans un autre siècle. » Au niveau national, le CFCM ou la Fondation de l’Islam de France semblent aujourd’hui voués à l’échec tant « la paralysie est totale et le débat inexistant », écrit Marwan Muhammad. Mais ce constat, l’ancien directeur du CCIF le contrebalance avec une note d’espoir : « Dans les régions, (…) il y existe des dynamiques beaucoup plus ancrées et plurielles, au plus près des communautés locales. »
A quoi ressemblera cette grande consultation inédite ? On en a déjà un aperçu sur le site consacré à cette opération. Il s’agit notamment pour les Français musulmans de connaître leur sentiment sur l’organisation actuelle du culte. Mais aussi de recueillir des idées, des noms de personnes qui pourraient émerger et de saisir l’ampleur de la tâche qui attend les futurs organisateurs du culte musulman. Et là, c’est la grande inconnue : « C’est un vrai test pour les gens de savoir s’ils veulent ou non prendre leur destin en mains, assure Marwan Muhammad. Veulent-ils organiser le culte musulman ? Ce n’est pas du tout dit. »
« Il ne faut pas faire dire aux musulmans ce qu’ils ne veulent pas dire »
Reste que la consultation permettra de savoir enfin ce que pensent les musulmans. Mais de qui parle-t-on exactement ? « Les trois-quarts des musulmans ne font pas partie d’une organisation, d’une association ou ne vont pas à la mosquée », nuance le statisticien, qui compte donc sur son dispositif en ligne pour atteindre cette partie des Français musulmans. Pour les autres, une équipe de bénévoles va se rendre sur le terrain pour des consultations dans les mosquées et les associations. « Cela doit permettre de capter un sentiment global. Ce sera un succès si on fait remplir le questionnaire par les différentes générations », assure Marwan Muhammed.
Et après ? A la fin du mois de ramadan, la consultation sera terminée. Fin juin, l’équipe de bénévoles débutera une analyse et dépouillera les résultats de cette consultation. « Il faut de la compétence sociologique, explique Marwan Muhammad. Je n’ai pas choisi le format enquête ou sondage, on n’est pas dans des conditions qui donneront des résultats scientifiques mais ce qui sortira émergera du terrain. » On est loin de l’étude que l’institut Montaigne avait réalisée sur « un Islam français » : « Au niveau des questions, on ne fait pas dire aux gens ce qu’ils ne veulent pas dire », ironise le militant.
Créer une nouvelle façon d’organiser le culte dès fin 2018 ?
Puis viendra le temps de l’action. « Sur la base des suggestions, insiste Marwan Muhammad. Cette parole, il va falloir la respecter. » Dans le questionnaire, plusieurs questions ouvertes doivent être traitées de façon qualitative. Pour le moment, nul ne peut prévoir quels enseignements devront être tirés de la consultations. Mais l’équipe assure être « consciente des enjeux. » La consultation permettra peut-être de « trouver des gens qui ne sont pas dans le radar des médias » ou de « créer une structure. » Sans savoir sous quelle forme.
Alors, Marwan Muhammad veut-il jouer un rôle à l’avenir dans cette organisation du culte musulman en France ? « Non, assure-t-il. Je vais apporter mon aide dans cette phase initiale en tant que rapporteur, conciliateur entre les différentes sensibilités. » Pour le reste, d’autres personnes pourraient bien émerger des régions et participer à l’organisation du culte « dès fin 2018, début 2019… si les gens se saisissent de cette question. » C’est tout l’enjeu de cette consultation qui, pour le moment, a reçu un accueil très positif.