266 milliards de dollars. C’est la somme qu’aurait dépensée, en 2013, la communauté musulmane mondiale en vêtements et en chaussures. Ce chiffre, sorti du rapport Global Islamic Economy de Thomson Reuters, montre l’importance pour les créateurs de prêt-à-porter de réfléchir à pénétrer ce marché de la mode halal. Au-delà du buzz – anecdotique – provoqué par la diffusion de la collection de hijabs et abayas Dolce & Gabbana, c’est tout un secteur qui s’ouvre aux créateurs.
En effet, c’est un marché à part que celui de la mode musulmane. « La population musulmane est globalement jeune et en augmentation », fait remarquer Reina Lewis chercheuse et auteure de « Muslim Fashion : Contemporary Style Cultures », un livre sur la mode musulmane. Pour elle, « il y a un marché grandissant pour ce que l’on appelle la « mode modeste ». » N’empêche, le marché s’annonce déjà énorme : les dépenses pourraient atteindre 484 milliards en 2019, pour ce secteur, selon Thomson Reuters.
La mode musulmane : un marché à part entière
Et dans la mode musulmane, on est loin des clichés : « Les femmes musulmanes sont proactives, énergiques et influentes et elles font bouger les choses », assure Shelina Janmohamed, vice-présidente de l’agence de publicité Ogilvy Noor. Pour cette dernière, les musulmanes « veulent prendre la parole et faire valoir leur identité à leur façon, avec leurs propres termes. » Et pas de doute, « la mode en fait partie. » Les blogueuses mode musulmanes sont de plus en plus nombreuses dans le monde, et pour elles, leur identité doit perdurer.
La mode halal n’est donc pas une simple niche, que les créateurs vont aller caresser pour arrondir leurs fins de mois. Non, ce marché a une place à part entière dans le business du halal. « Jusqu’à présent, le marketing ne s’adressait aux musulmans que pour vendre des produits alimentaires et financiers, mais je pense que la mode est en train de prendre la troisième place », estime la chercheuse Reina Lewis. Et les marques l’ont compris : « H&M a commencé à intégrer des modèles musulmans dans ses campagnes internationales », rappelle par exemple Shelina Janmohamed.
Les enseignes ne comprennent pas la clientèle musulmane
Reste cependant pour ces marques à assumer. A la manière des supermarchés qui vendent des produits alimentaires pour le ramadan sous couvert de « saveurs d’Orient », les enseignes de prêt-à-porter hésitent à se lancer pleinement dans ce secteur. Certes, précise Madame Figaro, DKNY, Uniqlo, Mango, Tommy Hilfiger, Oscar de la Renta ou encore Etro proposent des « collections capsules », mais uniquement vendues au moment du ramadan.
Ces marques internationales n’hésitent pas à vendre du prêt-à-porter spécifiquement destiné à la communauté islamique. Mais seulement dans leurs enseignes dans les pays musulmans ou alors sur internet. En Europe ou aux Etats-Unis, elles sont encore frileuses. Et c’est une erreur. Stephanie Khalil AlGhani, rédactrice en chef de Covertime, qui s’adresse aux femmes musulmanes, « en lançant des collections capsules en plein ramadan, les marques occidentales prouvent qu’elles ne comprennent pas la clientèle musulmane. » Elle rappelle que les musulmans « s’intéressent à la mode les onze autres mois de l’année. » Et il n’y a qu’à voir les chiffres pour s’en apercevoir : aux Etats-Unis, Madeena en Malaisie, mod-sty.com, Louella ou encore Amirah Couture cartonnent. Et si les enseignes classiques s’en inspiraient ?