Les allusions sont si évidentes qu’elles en deviennent des avertissements à l’endroit du futur président des Etats-Unis, Donald Trump. Dans son ultime discours sur la sécurité du pays, donné hier soir devant des militaires de la base aérienne de Tampa, en Floride, Barack Obama a tenu à rappeler à son successeur « ce pour quoi nous luttons ». « Les Etats-Unis ne sont pas un pays qui impose des tests de religion comme prix à la liberté« , a déclaré le président en exercice, faisant référence au projet controversé d’interdiction d’entrée sur le territoire américain aux migrants musulmans. « Les Etats-Unis ne sont pas un lieu où certains citoyens doivent (…) avoir une pièce d’identité spéciale ou prouver qu’ils ne sont pas des ennemis de l’intérieur », a-t-il poursuivi. Et anticipant un éventuel durcissement de la liberté d’expression lors de la mandature de Trump, Obama insiste : les Etats-Unis doivent respecter ses valeurs qui donnent « à chacun la responsabilité d’exprimer ses opinions et de protester contre l’autorité, de vivre dans une société ouverte et libre qui peut critiquer un président sans crainte de représailles ».
Avant son discours, le président américain a fait diffuser un document d’une soixantaine de pages, un « code de conduite » pour les forces armées en matière d’opérations de contre-terrorisme. Là encore, ce document semble avoir été spécifiquement élaboré pour le prochain locataire de la Maison Blanche, qui n’a pas dissimulé la possibilité de faire usage de la torture contre les terroristes suspects et qui est allé jusqu’à suggérer de supprimer les membres de la famille des terroristes avérés. Même si le général James Mattis, nommé par Trump au poste de Secrétaire à la Défense, l’en a dissuadé. Ce que l’administration de George W. Bush appelait un « interrogatoire poussé », Obama entend prohiber ce qu’il désigne sans détour comme de la « torture ». « Durant ces huit dernières années (…), nous avons interdit la torture partout et en tout temps, y compris des techniques comme la simulation de noyade. (…) Nous pouvons arrêter ces terroristes tout en respectant ce que nous sommes », a martelé le président.
Accusations de laxisme
Donald Trump, dans la foulée de congressistes républicains de la ligne dure, avaient accusé Barack Obama de laxisme en matière de guerre contre le terrorisme, même quand il se refuse à employer l’expression « extrémisme de l’islam radical ». Le président du conseil pour la sécurité du territoire, un Texan républicain du nom de Michael McCaul, estime que l’administration Obama a « ôté la pression » sur les terroristes. Et l’attaque de l’Université de l’Ohio par un étudiant musulman, la semaine dernière, est « une preuve supplémentaire que notre territoire demeure la ligne de mire du terrorisme islamiste ». Et prévient : « Nous faisons face à une menace plus mortelle que jamais non pas parce que nos ennemis sont plus futés mais parce que nous leur avons ôté la pression ».
Des accusations réitérées dont entendait se défendre hier Obama, dont le discours prenait des airs de bilan après son double mandat de quatre ans à la tête des Etats-Unis. Il a notamment justifié sa décision de retirer toutes les troupes américaines d’Irak en 2011, une mesure que ses critiques brandissent pour expliquer le développement de l’Etat islamique (EI) dans la région. « La présence continue de troupes américaines « n’aurait de toute façon pas pu renverser les forces qui ont contribué à l’essor de Daesh », a-t-il souligné. Si l’EI a pris une telle ampleur en quelques années, c’est selon Obama le résultat d’une combinaison de facteurs : « un gouvernement à Bagdad à l’agenda sectaire, un dictateur brutal en Syrie qui a perdu le contrôle de larges pans de son pays, un terrain de recrutement mondial favorisé par les réseaux sociaux et le vide qui entoure les forces de sécurité irakiennes ». Aujourd’hui, après plus de 16 000 frappes aériennes en Irak et en Syrie, Obama conclut : « Nous venons à bout de l’EI ». Même si persistent des « loups solitaires », concède-t-il, susceptibles de perpétrer des massacres comme ceux d’Orlando, de Floride ou de San Bernardino. « Aucune organisation terroriste étrangère n’a réussi à planifier et à mettre à exécution un attentat dans notre pays », s’enorgueillit Obama. Et pour que les résultats soient durables, il insiste : « si nous stigmatisons les bons musulmans patriotiques, nous ne ferons qu’alimenter le laïus des terroristes ».