vendredi 22 novembre 2024
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Aung San Suu Kyi, prix Nobel de l’islamophobie

En Birmanie, on la surnomme « l’orchidée de fer. » Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix en 1991, a passé quinze ans en liberté surveillée, avant de devenir la personnalité la plus importante de Birmanie, au-dessus du Parlement.

Lauréate du prix Nobel de la paix en 1991, Aung San Suu Kyi avait tout pour devenir le symbole de la fin de la dictature birmane. Ratée. Aung San Suu Kyi a fini par obtenir ce qu’elle voulait depuis tant d’années : une place en politique. A la tête d’un « super ministère », la Birmane va même devenir conseillère spéciale de l’Etat, un poste qui la placerait au-dessus du Parlement. Si elle est la figure de proue de la démocratisation de son pays, ses positions face au traitement de la minorité musulmane locale vient tout à coup ternir son image d’unificatrice. La dame de Rangoun est-elle islamophobe ?

Fille du général Aung San, assassiné avant l’indépendance, elle a été élevée dans une famille ouverte à la politique à Rangoun. Très tôt, elle bénéficie d’une scolarité exemplaire à l’école anglaise catholique, puis en Inde où elle suit sa mère, nommée ambassadrice de la Birmanie à New Delhi. Elle part ensuite à Oxford pour étudier la philosophie, la politique et l’économie avant de finir son cursus aux Etats-Unis, là où elle est désignée comme secrétaire assistante du Comité des questions administratives et budgétaires des Nations unies.

Des ambitions politiques démesurées

La Birmanie vit alors sous la dictature de la junte militaire. Aung San Suu Kyi commence sa carrière politique avec la création de la Ligue nationale pour la démocratie (LND) en 1988, au moment de refouler le sol de sa terre natale au chevet de sa mère malade. Depuis, elle n’a cessé de réunir la majorité du peuple grâce à des discours séduisants, sans concession. En 1990, elle réussit un coup de force en battant le régime militaire lors des élections générales : la LND remporte 392 des 492 sièges de l’assemblée, et 58,7 % des voix. Mais ce sont finalement 15 années en liberté surveillée dans sa maison qui attendent la militante.

Libérée en novembre 2010, dix-neuf ans après son prix Nobel, elle tente de revenir sur la scène politique, en participant aux élections législatives partielles de 2012. Elle devient députée à la chambre basse du Parlement, puis déclare son intention de participer à l’élection présidentielle de 2015. Mais la Constitution interdit à une veuve et mère mariée à un étranger de le faire. Elle devient tout de même ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement démocratiquement élu de Htin Kyaw, un de ses fidèles amis. Le début de la démocratisation et de l’union ? Pas vraiment…

Le peu de considération d’Aung San Suu Kyi pour les musulmans birmans

Car dans ce pays de 51 millions d’habitants, les musulmans ne représentent que 5 % de la population totale. Ils sont majoritairement originaires de l’Etat de Rakhine — plus connu sous le nom d’Arakan —où ils vivent dans l’insécurité la plus totale, notamment avec la montée du bouddhisme radical, la religion dominante dans le pays. En 2012, des émeutes éclatent dans cette subdivision administrative de la Birmanie, faisant plus de 200 morts. En octobre 2015, un rapport de l’université de Yale affirme qu’un « génocide » est en cours contre les musulmans — meurtres, restrictions imposées sur les naissances, conditions de vie défavorables, etc. —. On parle alors de plus de 1,4 million de musulmans vivant dans les camps sans accès à la nourriture ni aux soins, sans compter ceux qui essayent de fuir, souvent sans succès, vers le Bangladesh.

https://www.youtube.com/watch?v=i8vS0EPZQLA

Face à cette situation polémique, Aung San Suu Kyi se montre étonnamment indifférente quant au problème, déclarant lors d’une conférence de presse tenue chez elle : « Il est très important de ne pas exagérer les problèmes de ce pays », avant d’ajouter que « le pays tout entier est dans un état dramatique, pas seulement l’Etat Rakhine. » Autrement dit, arrêtons de focaliser sur le génocide, alors que le pays va mal. Une sortie qui crée une vraie polémique. David Mathieson, de l’ONG Human Rights Watch, rétorque au prix Nobel de la Paix : « La réponse de Suu Kyi aujourd’hui était vague, alors que la situation exige une action décisive et coordonnée. »

Mais ce ne sera pas pour aujourd’hui. Et ce ne sont pas les sorties ouvertement islamophobes du prix Nobel de la paix qui permettront d’espérer une amélioration de la situation. Interrogée par une journaliste musulmane de la BBC en 2013 à propos les violences exercées contre les musulmans dans son pays, elle aurait déclaré — selon Peter Popham, auteur d’une biographie sur Aung San Suu Kyi — hors caméra : « Personne ne m’a dit que j’allais être interviewée par une musulmane. » Staline, Hitler et Mussolini avaient, en leur temps, été proposés pour le Nobel de la paix. Le comité avait alors eu la décence de ne pas retenir leurs noms. Pour Aung San Suu Kyi, tout porte à croire que lui décerner ce prix aura été une erreur monumentale.

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