Aaron Aquino est commissaire principal dans le district de Luzon, une région centrale des Philippines, et a présenté ce qu’il estime être LA solution pour mater une bonne fois pour toutes la rébellion d’un groupe affilié à l’Etat islamique (EI) : mettre en place un registre national des Philippins musulmans. Une mesure, selon le responsable policier, qui aiderait les autorités à identifier « les individus indésirables et les terroristes ». Dans ce pays de près de 10,7 millions d’habitants à forte majorité chrétienne, les musulmans ne représentent que 11% de la population. « Ce système est bon, il a fait ses preuves à Paniqui, au Tarlac [un district situé à 150 kilomètres au nord de la capitale, Manille] et nous voulons le répliquer pour toutes les communautés musulmans de la région », a-t-il déclaré en faisant référence à une région où des cartes d’identité spécifiques ont été créées. Ce qui permettrait, selon Aquino, « une identification aisée et efficace de nos frères et sœurs musulmans (sic) ». S’il venait à se réaliser, cet engagement périlleux sur le chemin de la franche discrimination à l’égard d’une partie de sa population serait une preuve supplémentaire de l’acharnement sans merci du président Rodrigo Duterte – que d’autres qualifierait plutôt d’autocrate – pour exterminer les terroristes djihadistes philippins. Un groupe de rebelle a en effet prêté allégeance à Daesh et responsable de l’enlèvement ou de la fuite de quelque 200 000 habitants de la région méridionale de Mindanao.
Le « modèle » birman fait des émules
Et pour renforcer la légitimité de cette mesure administrative, Aquino s’appuie sur le consentement des leaders musulmans de la communauté. « Nos frères musulmans ont signifié leur intention de coopérer avec nous. J’enjoins chacun à fournir un effort tangible et à participer à notre campagne contre toute forme d’illégalité et j’en appelle à votre soutien actif », a-t-il clamé lors d’une réunion tenue ce mardi. Duterte avait blâmé les natifs de Mindanao pour avoir, selon lui, aidé le groupe djihadiste Maute à s’emparer de la ville de Marawi. Le 6 juin dernier, les forces armées philippines avaient publié une vidéo dans laquelle Abou Sayyef, du nom du groupe pro-EI, était en train de « préparer un massacre » à Marawi City. Aussitôt suggérée, la création d’un registre d’identification des musulmans a été dénoncée par Human Rights Watch et qualifiée de « sanction collective ». L’ONG internationale de défense des droits humains a rappelé que les Philippines a souscrit au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté à l’ONU et qui interdit toute forme de discrimination basée sur la religion. D’autant qu’une carte d’identité avec mention de la croyance religieuse est aussi susceptible, selon HRW, de « violer les droits des citoyens à une protection égale devant la loi, la liberté de mouvement et d’autres droits fondamentaux ». A croire que le « modèle » birman fait des émules…