La complicité de la France vis-à-vis de la coalition saoudienne contre les rebelles Houthis au Yémen n’est plus à prouver. Depuis plusieurs mois, des députés européens et des ONG s’insurgent contre la vente d’armes à l’Arabie Saoudite par la France.
Malgré cela, selon des informations inédites de l’Observatoire des armements transmises à Orient XXI, la France continue de soutenir la coalition arabe non seulement par des ventes d’armes, mais aussi par une assistance militaire.
« Quand en 2016 les ONG s’alarment de la situation humanitaire et des crimes de guerre au Yémen, cela n’empêche pas les autorités françaises de prélever en urgence des obus de chars Leclerc dans les stocks de la cavalerie française pour les transférer aux Émirats. Quand ceux-ci occupent Socotra en mai 2018 avec ces mêmes chars contre la volonté du gouvernement yéménite, des habitants de l’île descendent dans la rue pour protester. Qu’à cela ne tienne, le ministère de la défense français organise un entrainement militaire quatre mois plus tard avec Abou Dhabi », écrit Tony Fortin, chargé d’études à l’Observatoire des armements.
En 2017, la France a livré pour 1,4 milliard d’euros d’armes à Riyad, 1 milliard en 2016 et 900 millions d’euros d’armement en 2015. Et il est certainement probable que de nouveaux contrats aient pu être signés cette année.
Du côté des Émirats, la France a vendu pour 227 millions d’euros d’armement en 2017. En novembre 2017, Abou Dhabi a commandé notamment 5 avions Airbus multirôles.
Le Koweit a également conclu des contrats d’achat d’armement pour 1,1 milliard d’euros. Au total, les pays du Proche-Orient représentent 60 % des prises de commande françaises en 2017.
L’Observatoire des armements, des ONG ainsi que des parlementaires français se mobilisent pour tenter d’arrêter ces ventes à la coalition arabe. Près de 100 députés soutiennent une commission d’enquête parlementaire sur le sujet. Une initiative lancée par le député de La République en marche (LREM) Sébastien Nadot.
Mais cette demande datant d’avril 2018, traine, comme l’explique le député Bastien Lachaud (France Insoumise) qui dénonce même une absence de volonté de voir naître cette commission d’enquête.
« La dernière audition de la ministre des Armées Florence Parly devant la commission de la défense nationale en juillet a bien démontré qu’elle considérait qu’il n’y avait pas de sujet : ‘Les procédures sont respectées, la France respecte le traité de l’ONU sur le commerce des armes’. Fin de non-recevoir, aucun souci, aucun problème. Pire, on nous répond qu’on peut bien créer une commission, mais qu’elle se heurtera de toute façon au secret-défense », témoignait-il début septembre dans Jeune Afrique.
En effet, les ventes d’armes sont classées secret-défense en France. Le 5 juillet dernier, un rapport au Parlement sur les exportations d’armement a tout de même été publié. Mais pour Bastien Lachaud, celui-ci reste « très lacunaire et imprécis ».
Le 27 juin 2019, une conférence humanitaire sur le Yémen a aussi été organisée à Paris. Mais beaucoup y avaient vu de la poudre aux yeux. Des ministres étrangers et des ONG n’avaient pas participé, dénonçant « l’ambiguité » de la France dans ce conflit.
Pour rappel, depuis le début de la guerre, 10 000 morts ont été recensés. Un chiffre qui s’élèverait plutôt à 50 000 selon les estimations d’un institut indépendant comme l’Armed Conflict Location & Event Data Project (Acled).
Les habitants doivent aussi faire face à des pics de choléra, avec 1 342 cas enregistrés rien que pour le seul mois d’août, à Hodeïda, dans l’ouest du pays. Selon l’ONG Save The Children, cinq millions d’enfants sont également menacés de famine.