« La convergence entre population majoritaire et descendants d’immigrés ne se fait pas autour de prénoms typiquement français, mais de prénoms internationaux auxquels tous et toutes peuvent s’identifier », souligne cette étude de l’Institut national d’études démographiques, menée par les sociologues Baptiste Coulmont et Patrick Simon.
Les sociologues ont travaillé sur la transmission des prénoms sur trois générations chez les Européens du Sud et les Africains du Nord à partir d’une colossale enquête, « Trajectoire et Origines » (TeO), datant de 2016.
A la première génération, les immigrés du Maghreb qui arrivent en France portent, à plus de 90%, des prénoms arabo-musulmans: Mohamed, Rachid, Fatima, Khadija. C’est encore le cas de « près des deux tiers » des enfants de la deuxième génération, « mais leur registre culturel est plus ambigu »: Nadia, Myriam….
« Les prénoms que reçoivent les petits-enfants sont, en 2008, proches de ceux que la population majoritaire donne à ses enfants », ajoute l’étude: Yanis ou Nicolas pour les garçons, Sarah, Inès et Lina pour les filles.
Car la tendance à l' »exotisation » est générale : « en 2005, 50% des enfants de la population majoritaire ont reçu un prénom qui n’est pas typiquement français », note l’étude.
Le constat est le même pour les immigrés d’Europe du Sud, avec un effacement plus rapide des prénoms latins: José et Maria, immigrés de la première génération, nommeront leur enfants Jean, David, Marie ou Sandrine, et leurs petits-enfants s’appelleront Lucas, Enzo, Laura ou Léa.
Les sociologues notent aussi que « les musulmans gardent des prénoms spécifiques plus souvent que les personnes sans religion et les chrétien » »: 63% des enfants de la troisième génération ont un prénom arabo-musulman dans les familles « à forte religiosité », contre 7% lorsque les parents sont « sans religion ».
Au total, s’appeler Lina ou Ethan, prénoms dans le top 20 en 2017, « est une marque d’adoption des goûts dominants », même si ces prénoms « quasiment inexistants avant l’an 2000 » peuvent difficilement passer pour « typiquement français », soulignent les auteurs.
Avec un bémol: les « nouveaux prénoms » tels que Yanis ou Rayane « sont rapidement perçus comme d’origine maghrébine ». Pour cette population « l’invisibilisation des connotations culturelles des prénoms n’est pas complètement réalisée: Yanis n’est pas encore vu comme Enzo », concluent-ils.