« Je n’aurais jamais pensé avoir envie de vomir en raison d’un prix Nobel », a écrit le Premier ministre albanais Edi Rama sur son compte Twitter.
« Etant donné le choix honteux de l’autorité morale que représente l’Académie Nobel, la honte a été scellée comme une nouvelle valeur. Non, nous ne devons pas devenir aussi insensibles au racisme et au génocide », a écrit M. Rama.
Le membre bosniaque de la présidence collégiale de Bosnie, Sefik Dzaferovic, a déclaré de son côté, que la décision de décerner le prix Nobel à Handke était « scandaleuse et honteuse ».
« C’est honteux que le Comité du prix Nobel passe facilement outre le fait que Handke justifiait les actions de Slobodan Milosevic et qu’il le protégeait lui et ses co-exécuteurs Radovan Karadzic et Ratko Mladic qui ont été condamnés (par la justice internationale) pour les plus graves crimes de guerre, dont le génocide », a déclaré Dzaferovic dans un communiqué estimant que le Comité était « moralement entièrement déboussolé ».
Négation du génocide
Le metteur en scène bosnien Dino Mustafic s’est indigné sur Twitter: « Le prix Nobel Handke a nié le génocide à Srebrenica et assisté aux funérailles de Milosevic ».
L’acteur bosnien Nermin Tulic, grièvement blessé lors du siège de Sarajevo par les forces serbes (1992-1995, 11.000 morts), a commenté cette décision en postant sur son compte Twitter un émoticon qui vomit.
Survivant de Srebrenica où plus de 8.000 hommes et adolescents musulmans ont été exécutés en quelques jours de 1995 par les forces serbes, Emir Suljagic, professeur de relations internationales à Sarajevo, a exprimé son dépit en anglais: « Un admirateur de Milosevic et un négationniste de premier plan obtient le prix Nobel de littérature… Quelle époque… » Le massacre de Srebrenica est considéré comme un génocide par la justice internationale.
Au Kosovo, théâtre de la dernière des guerres en ex-Yougoslavie, entre forces serbes et une guérilla indépendantiste albanaise (13.000 morts), la décision a également été accueillie avec dépit. « Un admirateur de Milosevic, doublé d’un négationniste, reçoit le Prix Nobel de Littérature », titre le premier quotidien, Koha Ditore.
L’écrivain de Sarajevo Ahmed Buric est plus mesuré, expliquant que le soutien de Handke au président serbe Milosevic est surtout le signe qu' »il n’allait pas bien »: « Les critères littéraires devraient être au-dessus de la politique. Certains de ses textes des années 1980 sont vraiment des chefs d’oeuvre », a-t-il dit sur Radio Free Europe.
Un ami des Serbes
En 1996, un an après la fin des conflits en Bosnie et en Croatie, Peter Handke avait publié un pamphlet qui avait suscité la polémique, « Justice pour la Serbie ».
Il avait également vivement condamné en 1999 les bombardements occidentaux sur la Serbie pour forcer Slobodan Milosevic, homme fort de Belgrade durant toute cette période, à retirer ses troupes du Kosovo.
Peter Handke s’était rendu en 2006 aux funérailles de Milosevic, décédé en prison alors qu’il attendait son jugement pour crimes de guerre et contre l’humanité: « Le monde, le soi-disant monde sait tout sur la Yougoslavie, la Serbie. Le monde, le soi-disant monde, sait tout sur Slobodan Milosevic », avait-il dit.
« Le soi-disant monde n’est pas le monde. Moi, je ne connais pas la vérité. Mais je regarde. J’écoute. Je ressens. Je me souviens. Je questionne. C’est pour ça que je suis aujourd’hui présent, près de la Yougoslavie, près de la Serbie, près de Slobodan Milosevic », avait poursuivi l’Autrichien.
En Serbie, des journaux ont salué ce Prix Nobel attribué à « un ami des Serbes », membre depuis 2012 de l’académie des Sciences et des arts de Belgrade.