Au surlendemain de l’attaque à l’arme à feu et à l’explosif qui a fait deux morts mais dont le bilan aurait pu être beaucoup plus lourd, l’Allemagne reste sous le choc de cet assaut visant une synagogue et un restaurant turc.
Le tueur présumé, Stefan Balliet, a avoué devant un juge la motivation antisémite de son acte, a indiqué le parquet vendredi.
Jeune homme solitaire et totalement immergé dans les plateformes internet d’ultradroite, il semble, à ce stade de l’enquête, avoir agi seul.
‘Agitation’
Mais les principaux partis politiques allemands ont aussi dans leur collimateur le mouvement Alternative pour l’Allemagne (AfD), qui s’est imposé comme le principal parti d’opposition et chamboule le paysage électoral depuis sa création en 2013.
Sans citer nommément ce parti, la chancelière Angela Merkel, elle-même cible régulière de l’ultra droite pour sa politique généreuse d’accueil des migrants en 2015 et 2016, a ainsi exhorté jeudi les extrémistes à surveiller leurs « paroles » qui peuvent « se transformer en actes ».
Son parti conservateur, CDU, avait déjà accusé fin juin l’AfD d’avoir une part de responsabilité dans l’assassinat par un néonazi d’un élu pro-migrants du mouvement de la chancelière, Walter Lübcke, cible de « diffamations » par l’AfD.
Après l’attentat de Halle, d’autres personnalités et médias accusent l’AfD d’avoir préparé le terrain à ce déchaînement de violence.
« C’est l’agitation de l’AfD qui a donné une voix politique à l’extrémisme de droite. Cette agitation donne une légitimité aux criminels pour commettre leurs atrocités », a ainsi accusé Karl Lauterbach, un des candidats à la présidence du parti social-démocrate SPD.
Même virulence du côté de la droite bavaroise: le ministre de l’Intérieur de la région, Joachim Herrmann (CSU) reproche aux dirigeants de l’AfD d’être des « incendiaires spirituels ».
Le commissaire à l’antisémitisme du gouvernement fédéral, Felix Klein, est allé encore plus loin en accusant l’AfD d’avoir défendu ces dernières années « de nombreuses positions antisémites ».
Il rappelle ainsi les prises de position publiques du parti contre « l’abattage rituel », la nourriture casher, et la circoncision, présentés par la formation extrémiste comme des « rites médiévaux ».
L’AfD a une part de « responsabilité » dans l’attaque de Halle, estime aussi l’hebdomadaire de référence Der Spiegel: il a systématiquement « dévalorisé l’Autre », en particulier les réfugiés, et « banalisé le national-socialisme ».
Björn Höcke, une figure du parti connue pour ses provocations verbales, avait ainsi qualifié en 2017 le Mémorial de la Shoah à Berlin de « monument de la honte ». Le parti veut rompre avec la culture de repentance des crimes nazis, fondement de l’après-guerre dans le pays.
‘Instrumentalisation’
Le dirigeant du parti, Alexander Gauland, a ainsi jugé que le IIIe Reich ne représente qu’une « fiente d’oiseau » à l’échelle de l’histoire allemande. Quant à une autre personnalité influente de l’AfD, Andreas Kalbitz, il a passé de nombreuses années au sein de la mouvance néonazie.
Cette controverse tombe alors que l’AfD a enregistré une percée significative début septembre, avec plus de 22% des voix, dans des élections locales dans deux régions de l’Est, en Saxe et dans le Brandebourg.
Une performance que le parti espère bien rééditer fin octobre dans un autre Land d’ex-RDA, la Thuringe, où se présente Björn Höcke.
L’AfD a répliqué à ces attaques, par la voix de sa présidente de groupe parlementaire, Alice Weidel. Elle y voit une manoeuvre pour affaiblir son mouvement créditée d’environ 14% dans les sondages nationaux, mais qui dépasse la barre des 20% en ex-RDA, là où se trouve Halle.
« Quiconque abuse de ce crime horrible pour calomnier les adversaires politiques, avec des diffamations sans fondement, divise la société et affaiblit le fondement même de notre démocratie », a-t-elle dénoncé.