Entre l’Eglise espagnole et la municipalité de Cordoue, le torchon brûle. La Grande mosquée de la ville, qui a la particularité d’avoir été un temple romain avant de devenir une église puis une mosquée, est l’un des joyaux architecturaux de l’Espagne. Elle est aujourd’hui au centre d’une bataille juridique entre l’évêché et la ville de Cordoue. Car l’Eglise assure être propriétaire du bâtiment depuis 1236. L’institution catholique l’a même immatriculée comme « Sainte Eglise Cathédrale » en 2006.
Et c’est là que les choses compliquées débutent : la mairie de Cordoue souhaiterait récupérer la propriété formelle du monument. Pour voir ce bâtiment classé au Patrimoine de l’humanité depuis 1984, la municipalité a fait appel à l’ancien directeur général de l’Unesco, Federico Mayor Zaragoza, qui a réuni des experts — historiens et juristes notamment — pour publier un rapport qui étrille l’Eglise catholique.
Car la conclusion est sans appel : pour le comités d’experts, la Grande mosquée de Cordoue n’appartient pas et n’a d’ailleurs jamais appartenu à l’Eglise qui « n’a pas, et ne peut pas avoir, de titre de propriété sur la mosquée », assure l’ancien patron de l’Unesco. La mosquée-cathédrale a toujours été considéré comme un bien public par les habitants de la ville, ajoute-t-il. Or, « l’usage religieux d’une ancienne mosquée ne suppose pas reconnaissance de propriété pour l’Eglise, sauf s’il existait une donation exprimée. » Ce qui n’est pas le cas pour ce bâtiment.
Alors, comment l’évêché du coin a-t-il pu se déclarer propriétaire du bâtiment il y a douze ans ? C’est une modification de la loi sur la propriété décidée en 1998 par le gouvernement Aznar qui serait à l’origine de cet enregistrement jugé aujourd’hui illégal par les experts. Le titre de propriété déposé par l’Eglise est « injuste » et « préjudiciable aux intérêts des citoyens. » La mairie de Cordoue pourrait bien passer à la vitesse supérieure pour tenter de reprendre à l’Eglise le bâtiment.