Une mère qui accompagne une sortie scolaire est un « collaborateur bénévole du service public », explique le ministre de l’Education nationale. Pour Jean-Michel Blanquer, il est donc inimagineable de voir des mères de famille voilées accompagner des enfants lors des sorties scolaires. Depuis la sortie du ministre, les avis divergent : la circulaire de Luc Châtel de 2012 recommandait en effet aux chefs d’établissement « d’empêcher que les parents d’élèves ou tout autre intervenant manifestent, par leur tenue ou leurs propos, leurs convictions religieuses, politiques ou philosophiques lorsqu’ils accompagnent les élèves lors des sorties et voyages scolaires. »
Les parents d’élèves sont-ils des usagers ou des collaborateurs du service public ?
Mais celle-ci, précise l’avocat Asif Ari, « a été remise en cause par le Conseil d’Etat en 2013. » En effet, il y a quatre ans, la plus haute juridiction administrative avait estimé, contrairement à ce qu’affirme Jean-Michel Blanquer, que les parents accompagnant leurs enfants lors des sorties scolaires ne sont que des « usagers » du service public et non des « collaborateurs » qui sont, eux, obligés de respecter la neutralité religieuse. Cependant, la circulaire Chatel propose aux établissements de décider, dans leur règlement intérieur, de rappeler ou non les principes de neutralité religieuse et de laïcité.
Jean-Michel Blanquer s’est d’ailleurs souvenu de cet avis du Conseil d’Etat, assurant qu’il « respecte le droit. » Le ministre de l’Education nationale a évoqué « un état de la jurisprudence qui doit être consacré », évoquant à demi-mots la décision de la justice à Nice, en janvier 2014. Interdite d’accompagner les enfants lors d’une sortie scolaire, une femme voilée avait obtenu du tribunal administratif de Nice l’annulation de cette décision. Là aussi, le tribunal avait estimé que « les parents d’élèves autorisés à accompagner une sortie scolaire à laquelle participe leur enfant doivent être regardés, comme les élèves, comme des usagers du service public de l’éducation. »
La loi de 2004, une exception à la liberté religieuse
« Concernant la décision du tribunal de Nice, les juges ont dit qu’il y avait eu une erreur de droit », rappelle Asif Arif. En effet, l’établissement ne s’était appuyé sur aucun texte pour justifier sa décision. La loi de 2004 interdisant les signes religieux à l’école représente d’ailleurs une exception à la liberté religieuse garantie par la loi de 1905, sans pour autant dresser de liste ni la nature des cas concernés par cette exception, affirme l’avocat.
Au final, cette déclaration de Jean-Michel Blanquer est « un pétard mouillé », nous confie le juriste. Emmanuel Macron a d’ores et déjà prévenu qu’il ne prévoirait pas de nouveau texte sur la laïcité. Le ministre de l’Education nationale doit faire, de son côté, attention de ne pas tomber dans le piège de la laïcité comme étant un outil ultra politique. « Il faut respecter l’Etat de droit, conclut Asif Ari. Sinon, on va se retrouver avec les mêmes déclaration que Manuel Valls concernant le burkini. »