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Neutralité du net : pourquoi est-ce si important ?

Le 14 décembre dernier, les membres de la Commission fédérale des communications (FCC) des Etats-Unis ont voté la fin de la neutralité du net, c’est-à-dire la fin du principe selon lequel tout trafic internet doit être traité de manière égale et sans discrimination. Une mesure qui peut paraître sans grande importance et qui concerne uniquement les Américains. Mais les conséquences se feront directement ressentir sur les internautes, comme l’explique Romain Badouard, maître de conférence spécialisé dans les questions numériques et auteur du livre « Le désenchantement de l’Internet. Désinformation, rumeur et propagande » (FYP Editions). 

Qu’est-ce que la neutralité du net ?

La neutralité du net est le principe selon lequel les fournisseurs d’accès internet n’ont pas le droit de favoriser certains sites ou services plus que d’autres. Le débit accordé doit être le même à chacun. Cette règle empêche donc le fournisseur d’accès, d’influer sur ce que fait l’internaute. Chacun peut se connecter de la même manière sur un site. « C’est l’ADN même d’internet : un accès égal et au même niveau pour tout le monde », résume Romain Badouard.

Pourquoi la fin de la neutralité du net est-elle une mauvaise nouvelle ? 

« Avec la fin de la neutralité du net, on se dirige vers un Internet a deux vitesses ». En effet, les questions sur la neutralité du net, sont directement liées à la consommation de bande passante. Les internautes qui consultent seulement leurs mails et quelques sites ne consomment pas beaucoup de bande passante, contrairement à ceux qui regardent des vidéos. Ces derniers devraient donc payer plus cher leur abonnement internet. « Mais cela veut dire que ceux qui ont moins d’argent, auront accès à moins de contenus. »

Y a-t-il un risque pour la liberté d’information ?

« Aujourd’hui, la vidéo a pris une place très importante sur le net. Beaucoup de contenus politiques passent par ce format. Si on a un internet « low cost » avec accès seulement à de l’écrit, ça coupe d’un certain nombre d’informations. »

La fin de la neutralité du net pourrait également menacer le libre accès aux médias, puisqu’en France par exemple, des opérateurs possèdent des entreprises de presse. Ainsi Altice (SFR) est propriétaire de BFMTV et l’Express. SFR pourrait donc, si la fin de la neutralité du net était actée en France, limiter l’accès à des médias qui ne leur appartiennent pas. 

Dans d’autres pays où la neutralité du net n’est pas respectée, l’accès à l’information est clairement restreint. La Chine, mais aussi d’autres pays aux régimes autoritaires, bloquent l’accès de ses internautes à de nombreux services dont les réseaux sociaux.

Qu’est-ce que cela va changer concrètement ?

« On autorise désormais les fournisseurs d’accès à observer encore plus ce que font leur clients et quels types de services ils consomment. Il y a conflit d’intérêts car les fournisseurs d’accès sont aussi des fournisseurs de contenus. Ils peuvent donc favoriser certains services par rapport à d’autres. Des filtres pourront être mis sur les abonnements, afin de bloquer certains sites et contenus d’informations. » 

Ainsi, les opérateurs pourraient proposer différents packs de services sur internet plutôt qu’un accès illimité sur la toile. Orange par exemple, pourrait obliger leurs abonnés à payer un supplément pour visiter tel ou tel site. 

La neutralité du net est-elle menacée en France et en Europe ?

« En Europe on est plus attaché à cette neutralité. » Ainsi, la neutralité du net fait partie du droit européen depuis 2016, réglementé par le « marché unique numérique. » En France, c’est l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) qui veille à l’application de la neutralité du net.  Son président, Sébastien Soriano, a déclaré dans Le Monde que la décision américaine « n’aura pas d’impact direct en Europe. » Mais à terme, cette décision pourrait tout de même fragiliser la règlementation de l’Union européenne dans ce domaine. Les opérateurs européens pourraient en effet faire pression afin de rester compétitifs face aux concurrents américains. Stéphane Richard, le PDG d’Orange, a d’ailleurs déjà assuré il y a quelques jours que la fin de la neutralité du net en Europe « est une obligation ».

Pourquoi les Etats-Unis sont-ils revenus sur ce principe fondateur d’internet ?

Le débat sur la « neutralité du net » a commencé il y a une dizaine d’années aux Etats-Unis. Barack Obama s’était prononcé pour son maintien dès sa première campagne, en 2007-2008. De nouvelles règles interdisaient aux opérateurs télécoms de bloquer l’accès à des contenus légaux et de ralentir le débit en fonction du contenu échangé. Mais dès 2014, Donald Trump, a décidé de s’attaquer à la neutralité du net. Ainsi, quelques jours avant son élection, le président américain nommait Ajit Pai, farouche opposant à ce principe. La Commission fédérale des communications américaine est donc actuellement dirigée par un collège de cinq membres, qui compte deux démocrates et trois républicains, dont le président. Le démocrate Mignon Clyburn, qui lui a voté contre la fin de la neutralité du net, estime que désormais, le régulateur américain « donne les clés d’internet à une poignée de sociétés multi-milliardaires. »

Quels sont les enjeux de cette décision ?

Avec cette décision, « nous restaurons la liberté d’internet » et « nous aidons les consommateurs et la concurrence », a déclaré Ajit Pai, juste avant le vote du FCC.

En effet, les enjeux sont avant tout économiques. « Aujourd’hui, il faut moderniser les infrastructures d’internet car il y a de plus en plus d’utilisateurs et de trafic. Mais qui doit payer pour ça ? Les géants du web devraient débourser de l’argent. Facebook et Google par exemple, gagnent des milliards et pourraient mettre la main au portefeuille. Mais ils disent que ce n’est pas leur rôle. On fait donc peser tout ce poids sur les utilisateurs. »

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