« Parce que j’ai osé dénoncer le racisme d’Etat qui sévit en France comme ailleurs, le gouvernement a refusé ma nomination dans une instance au sein de laquelle je devais travailler sur la fracture numérique. » Ecartée du Conseil national du numérique, Rokhaya Diallo a tenu à dénoncer le racisme d’Etat dans l’Hexagone alors qu’elle était invitée par l’Organisation des Nations Unies à l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la discrimination raciale qui se déroulait mercredi 21 mars.
Les opposants de Rokhaya Diallo ont souvent tenu à dire que le racisme n’était pas institutionnalisé. La militante, qui a traité le sujet dans Slate en janvier dernier, nuance les propos qu’on lui prête : « Racisme d’Etat ne signifie pas Etat raciste ni régime raciste », rappelle Rokhaya Diallo, qui estime que « cela n’induit nécessairement pas le fait que le pays soit structuré autour de lois explicitement racistes ou ségrégationnistes. »
« Le racisme est le résultat d’une mécanique parfois nourrie par le fonctionnement même des institutions »
Rokhaya Diallo rappelle d’ailleurs que, « à l’évidence, aucun texte officiel ne pourrait porter une disposition directement et ouvertement raciste sous peine d’inconstitutionnalité. » Pour elle, « le racisme n’est pas seulement le fait d’individus motivés par des préjugés mais il est aussi le résultat d’une mécanique parfois nourrie par le fonctionnement même des institutions. » Les contrôles au faciès en sont la preuve. « A mon sens, si le racisme est omniprésent dans la société française, on peut aisément imaginer qu’il ait une incidence sur les pratiques institutionnelles », déplore la militante.
En 2010, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale de l’ONU pointait du doigt le traitement des Roms, la non-reconnaissance du droit des minorités dans la législation ou encore le durcissement du discours politique en France, et dénonçait une « recrudescence notable du racisme et de la xénophobie » dans l’Hexagone.
Utiliser des termes qui font moins sursauter ?
L’intervention de Rokhaya Diallo a une nouvelle fois agité la fachosphère. Parler de racisme d’Etat semble aujourd’hui tabou. Mais au-delà de la simple réthorique, c’est la question de la réalité des faits qui se pose. « On peut avoir des pratiques racistes sans être idéologiquement raciste », rappelle d’ailleurs Camille Gourdeau, docteure en socio-anthropologie sur France Culture. Eric Fassin, professeur de science politique à l’université Paris VIII, résume : « Il n’y a pas besoin que les individus soient racistes pour qu’on obtienne des résultats de discrimination raciale. Dire que les institutions sont prises dans ces logiques sociales me parait incontestable. (…) Il y a bien un racisme institutionnel, ou une culture discriminatoire, si on veut utiliser des termes qui font moins sursauter. »