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Syrie : en Algérie, ceux qui n’aiment pas Bachar détestent encore plus l’OTAN

« L’Algérie ne peut que regretter les frappes qui se sont déroulées cette nuit en Syrie au moment où toute la communauté internationale attendait plutôt l’envoi d’une commission d’enquête pour évaluer où vérifier toutes ces informations relatives à l’usage présumé d’armes chimiques que l’Algérie avait dénoncé ».

Dans une Algérie où le mot « impérialisme » a encore du sens pour une bonne partie de l’opinion, le Premier ministre algérien, Ahmed Ouyahia a eu une réaction très modérée après les bombardements menés conjointement par les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France contre la Syrie.

Les «regrets » du Premier ministre sont en effet très loin de la condamnation quasi-unanime dans les médias algériens qui ne se sont pas privés de rappeler qu’on assiste à un remake de la guerre contre l’Irak au nom des mensonges sur l’existence d’armes de destruction massive.

Les commentaires au vitriol dans les médias, qui correspondent largement aux vues de l’opinion publique, ont amené l’ambassade britannique à Alger à diffuser sur sa page Facebook la déclaration de Theresa May assortie d’une présentation évoquant une «incompréhension » de la presse algérienne sur les raisons qui ont amenées le « Royaume Uni à lancer une opération militaire pour affaiblir les capacités du régime syrien en matière d’armes chimiques ».

Abed Charef, politologue et journaliste respecté en Algérie a partagé le post de l’ambassade britannique en l’assortissant d’un commentaire cinglant : « Il n’y a pas d’incompréhension. Les Algériens considèrent que le gouvernement britannique est menteur, que sa politique est injuste. Irak, Libye et Palestine en témoignent. Pourquoi ce serait différent avec la Syrie? Tiens, ça vous dirait de bombarder une armée qui occupe illégalement un territoire qui n’est pas le sien? On peut vous donner l’adresse ».

Même les islamistes algériens qui, comme tous les islamistes du monde arabe, considèrent que Bachar Al-Assad est un boucher se sentent obligés de tenir compte du rejet instinctif de l’écrasante majorité des Algériens à toute intervention occidentale dans les pays arabes. 

Abderrezak Makri, chef du Mouvement de Société de paix (MSP, frères musulmans) a fait une déclaration millimétrée pour condamner les bombardements occidentaux tout en rendant Bachar Al-Assad, responsable du désastre syrien.

Le MSP, écrit-t-il, « condamne l’agression tripartite » contre la Syrie qui « bafoue le droit international » et regrette de voir la Syrie se transformer en « champ de bataille entre des puissances régionales et internationale ». Le MSP considère que « le régime syrien et son président Bachar Al-Assad qui a détruit la Syrie, tué et exilé une grande partie de son peuple sont totalement responsables de ce qui arrive… ». L’exercice d’équilibriste du mouvement islamiste lui vaut d’ailleurs des remarques ironiques  sur le mode: « le silence est parfois de la sagesse ».

En Algérie, même si le gouvernement choisit justement le silence par realpolitik pour ne pas distendre les relations avec les partenaires occidentaux, au sein de l’opinion le rejet de l’interventionnisme occidental fait partie de l’héritage «culturel » de la guerre d’indépendance.  L’OTAN, avec qui le gouvernement algérien traite et parfois coopère, est très largement considérée comme une menace et un ennemi.

L’OTAN et le printemps arabe

C’est d’ailleurs l’entrée en action de l’OTAN dans la crise libyenne en 2011 qui a entrainé un changement brusque de l’opinion publique algérienne à l’égard des mouvements dits du printemps arabe. La chute de Ben Ali en Tunisie a été saluée avec ferveur et les débuts de la contestation en Libye également, les Algériens ayant été outrés par les promesses de Kadhafi de liquider ses opposants « zenga zenga, dar bdar » (rue par rue, maison par maison).

La sympathie initiale pour les rebelles libyens a cependant été complètement balayée par l’entrée en lice de l’OTAN et l’activisme de Sarkozy et les poses de Bernard Henry Lévy.  L’évolution de la situation de ce pays vers le chaos en Libye a d’ailleurs conforté une partie de l’opinion dans une lecture conspiratrice – encouragée par les médias proches du régime – qui s’est étendue rapidement à la situation en Syrie. La montée de Daech a aussi fait basculer les hésitants qui préfèrent la « dictature de Bachar » à l’oppression absolue des « daéchiens ». 

Le discours anti-chiite des saoudiens relayé en Algérie par les salafistes et certains médias n’a pas eu d’impact au-delà des islamistes. Le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, reste populaire et il est perçu, non comme un religieux chiite mais comme un « résistant ».   

« Tous les Algériens ne sont pas des fans de Bachar Al-Assad, beaucoup considèrent que c’est un dictateur largement responsable du désastre, mais ils n’aiment vraiment pas l’OTAN qu’ils continuent de percevoir comme une entité hostile » estime un journaliste.  « Même ceux qui n’aiment pas Bachar Al-Assad, n’aiment pas l’OTAN encore plus. Ils ne peuvent approuver une action militaire des occidentaux et encore plus en dehors du cadre de l’Onu, cela fait partie d’une culture politique très ancrée ».

Par notre correspondant en Algérie, Rafik Larbi.

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