L’air de rien, c’est une petite révolution. Alors que, en 2016, le parti islamiste tunisien tenait sa dixième convention nationale, les militants votaient, à 93,5 %, une réforme majeure proposée par Rached Ghannouchi, le fondateur de la formation : une motion proposant la séparation du politique et du religieux. Mais depuis près de trois ans, le visage du parti islamiste tunisien n’a que peu évolué. La mutation votée par la quasi totalité des militants n’a en réalité jamais vraiment eu lieu. Même si certaines mesures anciennes, comme la mise en place d’une période de trois ans de formation religieuse avant de pouvoir accéder à de hauts postes au sein du parti, ont été supprimées.
Mais dans les faits, c’est un peu plus compliqué : l’élection présidentielle approche, et avec elle les législatives. Et Ennahdha va devoir montrer qu’il est un parti politique plus que religieux, en proposant un programme économique et social. Au sein de la formation, une voix commence à se faire entendre : celle de Lotfi Zitoun. Le proche conseiller de Rached Ghannouchi avait déjà défendu les non-jeûneurs pendant le mois de Ramadan et appelé à la dépénalisation du cannabis en Tunisie, là où les partis censés être progressistes étaient restés bien silencieux.
Interrogé par le journal Al Charaâ Al Magharibi, Lotfi Zitoun a confirmé la motion de 2016 : selon lui, « il faut libérer l’Islam. Libérer l’Islam des différents partisans et accepter une fois pour toute que l’Islam appartient à tous les Tunisiens. » Alors qu’une frange d’Ennahdha refuse de laisser l’Islam au profit de l’économie et du social, Lotfi Zitoun assure que « même le terme ‘Islam démocratique’ ne (le) convainc pas. » Et le conseiller du « cheikh » de rappeler qu’il faut désormais mettre en place des programmes. Une position qui risque de ne pas faire l’unanimité au sein de son propre parti. Mais l’homme politique a déjà prévenu : en cas de censure de sa position, il pourrait quitter la formation islamiste.