Revendiquant « une politique sans coup de menton ni naïveté », Edouard Philippe a donné le coup d’envoi de ce débat sans vote.
Un an après la promulgation de la loi asile-immigration-intégration, le Premier ministre a souligné l’augmentation de 22% entre 2017 et 2018 du nombre de demandes d’asile. « Le système français d’asile est aujourd’hui saturé », a-t-il déclaré.
Avec 123.000 demandeurs en 2018 (+22%), la France est un des rares pays européens où les chiffres progressent. Le nombre des demandes venant de pays « sûrs » comme l’Albanie et la Géorgie inquiète particulièrement les autorités.
Le Premier ministre a présenté six axes de travail, dont une réflexion sur les prestations sociales accordées aux demandeurs d’asile. « La France (…) ne doit être ni plus, ni moins attractive que ses voisins », a plaidé Edouard Philippe, appelant à « regarder les choses en face, sans tabou, sans rien renier de nos principes », notamment sur les conditions d’accès aux soins.
« Je n’ai pas peur de réfléchir à l’idée de quotas » en matière d’immigration économique, a aussi lancé le chef du gouvernement.
Il a dénoncé ce qu’il a qualifié de « fausses solutions », comme « l’+immigration zéro+, dont on sait qu’elle n’a jamais existé dans le passé et qu’on imagine encore moins dans un monde ouvert et hyper-connecté ».
Les récents propos controversés du polémiste Eric Zemmour, assimilant les immigrés musulmans à des « colonisateurs », ont montré en France l’inflammabilité du sujet. La justice a ouvert une enquête pour « provocation à la haine », mais des députés de droite ont défendu la « liberté d’expression ».
Les immigrés représentent 9,7% de la population vivant en France, contre 5% en 1946, selon l’Institut national des statistiques.
Répondant aux « inquiétudes » des Français, M. Philippe s’est dit aussi « prêt » à ouvrir un débat sur « les dérives communautaires », en indiquant qu’il ne liait pas le sujet à celui de la politique migratoire.
« Danger islamiste »
Dès avant le coup d’envoi des échanges, la chef de file de l’extrême droite, Marine Le Pen, avait fait le lien entre la tuerie de la préfecture de Paris et une « immigration anarchique » qui a laissé se développer le « fondamentalisme islamiste ».
L’assaillant « était un Français, né en France, mais il a été converti (…). La quasi intégralité des imams salafistes ou islamistes dans notre pays (…) est étrangère », a-t-elle affirmé, alors que la France est en proie depuis 2015 à une vague d’attentats islamistes sans précédent qui a fait 251 morts.
Le « danger islamiste » est « un danger mortel que le gouvernement aggrave chaque jour davantage avec sa politique insensée d’immigration », a affirmé Marine Le Pen, qui réclame un « moratoire » sur l’immigration.
Depuis plusieurs mois, M. Macron insiste sur ce thème de l’immigration, persuadé que la présidentielle de 2022 s’y jouera en partie et qu’il se retrouvera à nouveau face à Marine Le Pen.
« Vous avez choisi de faire de l’immigré le bouc émissaire des problèmes du pays plutôt que le financier qui pille notre pays ou le fraudeur du fisc », a lancé de son côté le chef de file de la gauche radicale, Jean-Luc Mélenchon.
Les alertes viennent aussi de l’extérieur, des associations d’aide aux migrants, qui pointent des « postulats erronés » ou de la Fédération protestante de France qui s’inquiète des « conséquences délétères de l’instrumentalisation électoraliste des questions liées à l’immigration ».
Dans la majorité, la mise en avant du thème de l’immigration a fait grincer une partie de l’aile gauche.
M. Macron se veut le défenseur autoproclamé d’un équilibre entre « humanité » et « efficacité ». « La France ne peut pas accueillir tout le monde si elle veut accueillir bien », avait-il assuré fin septembre.
Le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian s’est prononcé lundi pour « une approche globale pour agir le plus en amont avec les pays d’origine et de transit et éviter les tragédies en Méditerranée ».
Edouard Philippe a relevé en conclusion un « dissensus » tel « qu’il est délicat d’avoir un échange nuancé » sur l’immigration. S’il n’est pas question de nouvelle loi, il a néanmoins confirmé que l’exécutif entendait « utiliser les textes à venir » pour « traduire, mesure par mesure, ces décisions en actes ».
Au 31 décembre 2018, le ministère de l’Intérieur recensait 3.231.823 étrangers en situation régulière sur le territoire français, correspondant au nombre de titres de séjour valides à cette date.