C’était en septembre dernier. Le directeur d’une blanchisserie avait décidé de mettre à la porte une employée qui portait le voile pendant ses horaires de travail. Près de deux mois plus tard, le tribunal régional Berne-Mittelland estimait cette décision abusive et obligeait le patron à verser une indemnité de trois mois de salaire à la femme licenciée, ainsi qu’un dédommagement de 8 000 francs, soit environ 7 400 euros. L’entreprise avait mis en avant des problèmes de sécurité et d’hygiène, mais le tribunal y a vu de la discrimination. Pour le plus grand soulagement du Conseil central islamique suisse (CCIS), qui estime que cette décision « montre que l’intégration des musulmanes n’est pas entravée par le voile, mais par les préjugés anti-Islam. »
La Suisse en ébullition
Du côté du CCIS, on attendait ce jugement de pied ferme. « Nous avons enfin une base pour nous défendre », indique ainsi la secrétaire générale de l’organisation suisse, Ferah Ulucay, qui espère que la décision rendue par le tribunal dissuadera les entreprises de prétexter le port du voile pour licencier. Mais depuis le jugement, en Suisse, on brandit le danger de l’islamisation du pays. « Si on accepte le voile au travail, on acceptera bientôt la burqa. On veut couvrir la femme et c’est inacceptable dans notre société chrétienne », indique par exemple Céline Amaudruz, vice-présidente de l’Union démocratique du centre (UDC), un parti populiste. Pour elle, « un employeur doit être libre de ne pas accepter le voile dans son entreprise. »
Comme en France, la droite extrême brandit la menace musulmane. Sophie Paschoud, secrétaire patronale au Centre patronal vaudois, a tenu hier à remettre les pendules à l’heure quant à cette décision juridique. La dirigeante affirme qu’elle « peine à comprendre l’importance » qu’on a donné à ce jugement. « Le droit suisse (…) sanctionne les ruptures contractuelles qui interviennent pour des motifs qui ne sont pas dignes de protection et qui sont de ce fait qualifiées d’abusives », rappelle Sophie Paschoud, qui affirme que le jugement « ne crée pas une ‘lex islam’ qui imposerait aux entreprises des obligations particulières à l’égard de leur personnel musulman. » Cette affaire, dit-elle, ne méritait pas « de mettre le pays tout entier en ébullition. »