D’après l’analyse de ses membres déchiquetés, l’auteur qui a commis le dernier attentat-suicide dans l’Etat de Borno, au nord-est du Nigéria, était une enfant, âgée d’à peine dix ans. Elle s’était approchée d’un étal de thé dans un marché achalandé de Maiduguri, capitale d’une région meurtrie par les ravages du groupe terroriste Boko Haram. Une autre jeune fille devait également déclencher sa ceinture d’explosifs mais a été arrêtée à temps par une foule en colère, qui l’a ensuite lynchée. « La fillette se dirigeait vers la foule mais elle a explosé avant d’atteindre sa cible », décrit un témoin. « Elle est morte instantanément, et une autre personne a été grièvement blessée par des éclats d’obus. »
Stratégie de l’ignominie
Ce n’est malheureusement pas la première fois que des enfants sont manipulés par Boko Haram pour commettre des attentats-suicides. Le mois dernier, deux fillettes encore plus jeunes, âgées de seulement 7 et 8 ans, avaient blessé 19 personnes. Et en novembre 2016, un pasteur a trouvé la mort dans une double explosion de kamikazes féminines. Si l’on remonte à ces deux dernières années, les statistiques communiquées par l’Unicef font froid dans le dos : un attentat-suicide sur cinq a été commis par un enfant, et les trois quarts de ceux-ci, par des filles. « Le recours aux enfants, et notamment aux filles, pour commettre des attentats dits « suicides », est devenu une caractéristique à la fois révélatrice et alarmante de la tournure prise par ce conflit », a précisé à Reuters Laurent Duvillier, porte-parole de l’Unicef. « [Leur stratégie] consiste à retourner des enfants contre leur propre communauté en les équipant de bombes », a-t-il ajouté.
Des attentats qui viennent en rétorsion aux dernières déclarations du président nigérian, Muhammadu Buhari, qui a affirmé au mois de décembre avoir repris le dernier fief de Boko Haram dans la forêt de Sambisa, au nord-est du pays. Ce que le leader du groupe terroriste, Abubakar Shekau, a nié dans une vidéo diffusée quelques jours plus tard. « Nous sommes en sécurité. Nous n’avons été chassés de nulle part. Les tactiques et les stratégies ne peuvent révéler notre emplacement, sauf par la volonté d’Allah », avait-il commenté. Depuis maintenant sept ans, Boko Haram nargue les autorités nigérianes et multiplie les exactions – dont l’enlèvement de près de 270 écolières de Chibok en 2014 – pour imposer son « califat » au nord-est du pays. Un conflit qui se solde à présent par plus de 20 000 morts et près de trois millions de personnes déplacées.