Abdelaziz Bouteflika, 81 ans et au pouvoir en Algérie depuis deux décennies, a mis fin à des mois de spéculation dimanche en annonçant qu’il briguerait un cinquième mandat en avril, malgré des problèmes de santé l’ayant considérablement affaibli.
Systématiquement réélu au 1er tour avec plus de 80% des voix, le chef de l’Etat, qui a annoncé sa candidature à la présidentielle du 18 avril dans un « message à la Nation » diffusé par l’agence officielle APS, sera le grandissime favori du scrutin.
A moins d’un mois de la clôture officielle des candidatures, le 3 mars à minuit, l’annonce met un terme aux spéculations, entretenues par le silence du président sur ses intentions, malgré les appels insistants de son camp depuis près d’un an à ce qu’il se représente.
Cette candidature semblait toutefois acquise depuis une semaine, la coalition des quatre partis qui le soutiennent l’ayant désigné le 2 février comme leur candidat.
Samedi, son parti, le Front de libération nationale (FLN), membre de la coalition, avait en outre organisé un grand rassemblement de soutien.
Cloué dans un fauteuil roulant par un accident vasculaire cérébral (AVC) depuis 2013, M. Bouteflika n’apparaît plus que rarement en public -la dernière fois le 1er novembre 2018- et ne s’exprime plus publiquement.
En 2014, c’est son Premier ministre Abdelmalek Sellal qui avait annoncé sa candidature.
« Ennuis de santé »
Dans son message diffusé dimanche, M. Bouteflika devance les critiques sur son état de santé, qui selon certains de ses opposants le rend inapte à gouverner.
« Bien sûr, je n’ai plus les mêmes forces physiques qu’avant, chose que je n’ai jamais occultée à notre peuple », écrit M. Bouteflika. « Mais la volonté inébranlable de servir la Patrie ne m’a jamais quitté et elle me permet de transcender les contraintes liées aux ennuis de santé auxquels chacun peut être un jour confronté ».
Le 2 février, le Premier ministre Ahmed Ouyahia, chef du Rassemblement national démocratique (RND), principal allié du FLN, avait déjà estimé que l’état de santé de M. Bouteflika n’empêchait « pas sa candidature ».
« Il a remporté la présidentielle en avril 2014 dans ce même état », avait-il souligné, prévenant que M. Bouteflika n’animerait pas sa campagne: « sa santé ne le lui permet pas et il n’en a pas besoin car le peuple le connaît », avait-il argué.
Dans son message, M. Bouteflika désamorce les critiques de ceux qui l’accusent de vouloir accaparer, à son profit ou celui de son clan, le pouvoir, en promettant, s’il est élu, la convocation d’une « Conférence nationale » regroupant « toutes les forces politiques, économiques et sociales de la Nation ».
Cette conférence sera chargée de faire émerger un « consensus sur les réformes et les changements » que devra engager l’Algérie, indique M. Bouteflika, qui précise toutefois que c’est lui qui s’occupera de la concrétisation des conclusions de la conférence.
Parmi les thèmes qui seront abordés figurent « une présence plus forte des jeunes » au sein des institutions politiques, la volonté de « vaincre le fléau de la bureaucratie », la « mise en place de mécanismes de démocratie participative », ou encore des réformes économiques « sans dogmatisme ».
« Décision irresponsable »
Artisan du retour à la paix en Algérie après 10 ans de sanglante guerre civile, M. Bouteflika a profité de la hausse du prix du pétrole entre 2004 et 2014 pour lancer de vastes programmes d’infrastructures et désendetter le pays.
Mais l’économie algérienne reste ultra-dépendante des hydrocarbures et son 4e mandat a été marqué par la chute des cours qui ont durement touché l’économie du pays, où un tiers des jeunes de moins de 25 ans est au chômage.
Pour l’heure, seuls Abderrazak Makri, chef du Mouvement de la société pour la paix (MSP), principal parti islamiste, et le général à la retraite Ali Ghediri, pourfendeur du pouvoir et jusqu’ici inconnu du public, ont annoncé leur intention d’être candidat.
Le principal adversaire de M. Bouteflika en 2004 et 2014, son ancien Premier ministre Ali Benflis, n’a pas encore dit s’il se présenterait.
Son parti, l’Avant-Garde des Libertés, a qualifié la candidature du président de « décision irresponsable, susceptible d’enfoncer davantage notre pays dans la crise politique, économique et sociale qui le ronge ».
« Nous sommes en présence d’un nouveau détournement annoncé de la volonté populaire (…) avec un candidat dans l’incapacité d’exercer la fonction présidentielle », a-t-il estimé dans un communiqué.
C’est Abdelmalek Sellal, nommé directeur de campagne, qui animera la campagne présidentielle de M. Bouteflika, après avoir déjà dirigé les trois précédentes.