samedi 30 novembre 2024
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Contre de l’argent, des commerces saoudiens autorisés à ouvrir pendant la prière

Avec des hamburgers grésillant sur le grill, un restaurant de la capitale saoudienne Ryad commet l’impensable en restant ouvert alors qu’il est censé fermer avec l’appel à la prière.

La scène offre un contraste frappant avec l’époque où la police religieuse, omniprésente et redoutée, imposait avec zèle la fermeture des commerces lors des prières.

Mais le mois dernier, les autorités saoudiennes ont donné la possibilité aux commerces de rester ouverts 24 heures sur 24, moyennant un montant non spécifié. Des médias d’Etat ont parlé d’une somme pouvant aller jusqu’à 100.000 riyals (27.000 dollars) par an.

Cette annonce a cependant donné lieu à une certaine confusion au sein des gérants de commerces vu que jusqu’à présent, après la prière de l’aube « Fajr », les magasins devaient fermer pour les quatre autres prières du jour, soit un total d’environ deux heures.

Par ailleurs, la télévision saoudienne Al-Arabiya avait annoncé dans un tweet que l’ouverture 24h sur 24 incluait le temps des prières, mais avait rapidement retiré son message après le démenti d’un responsable.

En attendant une clarification, des boutiques de certains centres commerciaux de Ryad ont décidé de prendre la directive au pied de la lettre en restant ouvert pendant la prière.

Confusion

Des magasins du Kingdom Centre continuent donc à servir les clients pendant la prière du « maghrib » marquant la tombée de la nuit.

Le gérant d’un restaurant a montré à l’AFP un SMS de son propriétaire lui demandant de rester ouvert.

« Le gouvernement a décidé d’autoriser les magasins, les restaurants et les marchés à rester ouverts 24 heures sur 24 et la décision inclut (…) les temps de prière », peut-on lire dans le message.

Dans un autre centre commercial de Ryad, Al-Nakheel, les mêmes scènes se répètent lors de la prière d' »al-Isha » qui suit celle du « maghrib ».

« La plupart du temps, les magasins restent ouverts pendant les prières », a déclaré à l’AFP Francis, gérant d’un café.

« Les employés qui veulent prier peuvent le faire et ceux qui préfèrent travailler peuvent le faire », a indiqué un autre gérant de magasin, rappelant que nombre de ces employés sont des non-musulmans.

Un troisième dit qu’il fermerait son commerce pendant la prière si la police religieuse le lui demandait.

Mais depuis trois ans, cette dernière se fait plus discrète alors qu’elle imposait l’ordre dans l’espace public, veillant à séparer hommes et femmes et à réprimander tout écart au code d’habillement musulman.

Les commerçants pourraient profiter des « déclarations vagues du gouvernement pour rester ouverts, surtout avec l’absence relative de la police religieuse », a déclaré à l’AFP Eman Alhussein, du Conseil européen des relations étrangères.

Il est trop tôt pour évaluer l’impact financier de l’assouplissement de cette restriction qui, selon les membres du Conseil consultatif de la Choura, coûte à l’économie saoudienne des dizaines de milliards de riyals par an.

« Rendre la fermeture facultative augmenterait la productivité et peut-être l’activité économique globale », dans un pays qui cherche à augmenter les revenus non pétroliers et à lutter contre le chômage des jeunes, a estimé Karen Young de l’American Enterprise Institute.

Le prince héritier Mohammed ben Salmane a mis en œuvre une série de réformes, autorisant notamment les femmes à conduire et ouvrant le pays à l’industrie des loisirs tout en réduisant le pouvoir des religieux conservateurs.

Un « test »

La réaction des conservateurs a été jusqu’à présent limitée en raison notamment de la répression qui frappe toute dissidence.

Mais dans des tweets l’année dernière, la police religieuse avait affirmé qu’il était interdit de garder les magasins ouverts pendant la prière, rappelant qu’il s’agissait de l' »un des piliers les plus importants de l’Islam ».

Des commerçants ont interprété l’absence de directive claire comme une tentative des autorités de mettre en œuvre une réforme sensible sans provoquer de réaction de la part des tenants de la ligne dure.

Le ministère de l’Information et des exploitants de centres commerciaux n’ont pas répondu aux demandes de clarification de l’AFP.

Généralement, aucune entreprise ne ferait ouvertement fi des règles sans l’assentiment d’un gouvernement qui contrôle tout.

Certains commerces restent prudents comme un restaurant turc du centre commercial d’Al-Nakheel dont le gérant préfère fermer pendant les prières, estimant que la vague décision du gouvernement n’offrait « aucune garantie » qu’il ne serait pas pénalisé.

« Le gouvernement teste les réactions. S’il n’y a pas de réaction négative, il pourrait rendre ça officiel », estime de son côté Amer, un pharmacien.

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