Pas d’amalgame, disait-on. Un reportage signé par la RTBF montre que, malgré tout, les attentats en France et en Belgique ont eu un effet néfaste dans les entreprises, où la diversité religieuse est en péril.
Ce que confirme Baudouin Aucquier, consultant en gestion du changement et maître de conférences à l’Université catholique de Louvain (UCL). Dans les sociétés, assure-t-il, « il y a des tensions plus grandes, des crispations, et l’actualité internationale joue sans doute un rôle. » Pour lui, « cette crispation est mutuelle : un certain nombre de travailleurs ou de managers d’origine belge craignent l’émergence d’une certaine forme de radicalisation mais on constate aussi une très grande frustration, une très grande irritation chez certains de leurs collègues de culture musulmane, qui ont parfois le sentiment d’être montrés du doigt en permanence voire même d’être considérés comme les complices de toutes les formes de radicalisme qu’on connaît aujourd’hui. »
Un flou juridique
Du coup, c’est tout l’attirail musulman qui en prend un coup : comme en France, en Belgique existe une véritable confusion entre les actes terroristes qui ont eu lieu en 2015 et le halal ou encore le port du voile. La RTBF assure que les crispations sont du plus en plus fortes, car « dans un certain nombre d’entreprises, elles n’ont tout simplement pas été gérées. » La question de la religion dans les entreprises est souvent taboue ou victime du manque de connaissances sur ce sujet. Comme en France, où la mairie de Paris a dû sortir un guide de la laïcité pour expliquer à ses cadres les problématiques de la religion dans l’administration publique. Laurent Taskin, professeur à la Louvain School of Management, rappelle que le cadre juridique est flou et que les chefs d’entreprise ne savent pas forcément ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas dans les entreprises. Et comme en France, il existe un gap entre les revendications des salariés et ce que croient savoir les dirigeants d’entreprises à propos de la religion de leurs employés.
Alors, que faire face à ce flou juridique ? Pour Laurent Taskin, la solution passe par le dialogue. Il s’agit, selon lui, du « bon réflexe à acquérir. » Il faut, dit-il, « questionner le pourquoi des demandes qui arrivent de part et d’autre – pas seulement de la part des collaborateurs de culture musulmane. En précisant aussi d’emblée que l’entreprise ne peut pas accorder de privilèges à telle ou telle catégorie de personnel. » En conclusion, estime le professeur, « il faut oser en parler, oser rencontrer l’autre, finalement. » Dans le cadre de ce dialogue, une Association belge des professionnels musulmans tente de trouver des solutions. « Ce que nous proposons, c’est que l’entreprise établisse un lieu de silence, qui permet d’en élargir l’accès à l’ensemble du personnel. Une autre situation que nous rencontrons régulièrement, ce sont les restrictions alimentaires. Et là, une solution avancée par beaucoup, c’est de mettre en avant un plat végétarien dans le choix de la cantine », explique Hajibb El Hajjiji, fondateur de cette association.
Des entreprises s’adaptent, comme Ikea
Certaines sociétés sont déjà en avance sur d’autres, rappelle la RTBF. Chez Ikea, par exemple, le porte-parole de l’entreprise indique que « le groupe s’adapte aux réalités géographiques et sociétales de chaque siège. » Or, la France est le premier pays européen en nombre de musulmans. En Belgique, 6 % de la population est également musulmane. A Anderlecht, Ikea a donc « aménagé une aire de repos distincte du réfectoire pour ces employés », indique-t-on dans la société, tout comme le planning a été aménagé « pour qu’en période de ramadan, on leur évite les tâches lourdes. » « Et pour les dames, le port du foulard est autorisé pourvu qu’il soit aux couleurs d’Ikea », conclut la marque suédoise. D’autres entreprises sont plus réticentes, indique le média belge, comme le groupe Tec, qui refuse les pauses prière pour ses chauffeurs, ou bpost, où l’on refuse que les employés montrent leur appartenance religieuse, même si confie-t-on, « on peut admettre une certaine tolérance » pour les employés n’étant pas en contact avec les clients.