Le texte a été approuvé par une majorité des 596 députés, selon les médias officiels égyptiens Al-Ahram et Nile TV.
M. Sissi a été élu en 2014 avec 96,9% des voix pour un mandat de quatre ans puis réélu en 2018 avec un score 97,08%. Le nombre de mandat était jusqu’à présent limité à deux.
« Le mandat actuel du président doit se terminer au bout de six ans », selon l’amendement voté par le Parlement. Le président « peut être réélu pour un autre mandat » de six ans, est-il aussi stipulé.
Le nouvel article 140 permet ainsi de faire passer le deuxième mandat de M. Sissi de quatre à six ans, portant ainsi son terme à 2024. Le chef de l’Etat pourrait en outre se représenter en 2024 à un troisième mandat de six ans.
Aucune information n’était disponible dans l’immédiat sur le nombre de voix recueillies en faveur du texte. Mais cette législature, en place depuis 2016, est majoritairement favorable au président Sissi.
La presse étrangère n’a pas été autorisée à couvrir cette réunion, comme souvent lors des sessions parlementaires.
Le vote du Parlement doit encore être suivi d’un référendum, qui devrait être organisé dans les prochains jours. La campagne pour cette consultation a déjà commencé avec de nombreuses banderoles déployées dans les rues du Caire depuis plusieurs jours.
Stabilité
Outre la durée du mandat présidentiel, la révision constitutionnelle, à travers d’autres amendements, doit aussi accroître le contrôle du pouvoir judiciaire par l’exécutif et institutionnaliser le rôle politique de l’armée, pilier du régime.
M. Sissi a été élu en 2014, un an après avoir renversé avec l’armée, à la faveur d’un mouvement populaire, le président islamiste Mohamed Morsi, dont il était le ministre de la Défense.
Sa réélection en 2018 a eu lieu dans le cadre d’un scrutin marqué par la présence d’un seul rival, relégué au rang de faire-valoir, et par une série d’arrestations d’opposants.
Chantre de la stabilité et de la lutte antiterroriste auprès des chancelleries occidentales, M. Sissi, 64 ans, est accusé par les ONG de graves violations des droits humains: torture, disparitions forcées, record d’exécutions capitales, emprisonnement d’opposants, musellement de la presse…
Mais les partisans du chef de l’Etat au Parlement maintiennent que la révision constitutionnelle s’avère indispensable à la stabilité politique et économique du pays.
M. Sissi « a pris d’importantes mesures politiques, économiques et sécuritaires (et) doit poursuivre ses réformes », a expliqué à l’AFP le député Abou Hamed.
Comptant moins d’une vingtaine de députés, la petite alliance d’opposition, le bloc « 25-30 », a appelé les Egyptiens a rejeter cette révision.
Amnesty International a déclaré mardi que les amendements adoptés allaient « élargir les procès militaires pour les civils, saper l’indépendance de la justice, renforcer l’impunité des membres des forces de l’ordre pour les violations des droits humains, et intensifier le climat de répression qui existe déjà dans le pays ».
Cette révision « démontre le mépris du pouvoir égyptien pour les droits de tous en Egypte » a ajouté Magdalena Mughrabi, directrice adjointe pour le Moyen-Orient de l’ONG de défense des droits humains, dans un communiqué.
Mardi à Paris, deux acteurs égyptiens, Amr Waked et Khaled Abol Naga, ont dénoncé la révision constitutionnelle lors d’une conférence de presse dans les locaux de la Ligue des Droits de l’Homme.
« Ces amendements (constitutionnels) font revenir l’Egypte à une dictature digne du Moyen-Âge », a lancé M. Waked.
Fin mars, le Syndicat égyptien des acteurs avait interdit ces deux vedettes d’exercer en Egypte les accusant de « haute trahison ».
Une campagne de dénigrement des médias pro-Sissi s’est abattue sur les deux acteurs après leur rencontre en mars avec des membres du Congrès américain pour discuter de la situation des droits humains en Egypte.
A contre-courant
Ce vote au Parlement égyptien intervient à contre-courant du climat dans d’autres pays de la région.
Au Soudan voisin, Omar el-Béchir, au pouvoir depuis trois décennies, a été renversé le 11 avril au terme d’une contestation populaire. En Algérie, le refus du 5e mandat d’Abdelaziz Bouteflika a provoqué des manifestations de rue inédites et la démission du président le 2 avril.
« Après la chute de Bouteflika en Algérie et de Béchir au Soudan (…) n’avons-nous pas appris la leçon? », a ironisé sur Twitter Haitham El-Hariri, jeune député membre de l’opposition.
Mais cette opposition à la révision constitutionnelle reste presque exclusivement cantonnée aux réseaux sociaux. L’écrasante majorité des médias, en particulier la télévision, relaye le discours des soutiens du président Sissi, diabolisant les voix critiques, qui vivent généralement en exil.