Après le coup d’Etat raté, le président de la Turquie s’est lancé dans une purge contre son ancien ami et allié Fethullah Gülen.
Le coup d’Etat en Turquie n’avait pas encore échoué que déjà, Recep Tayyip Erdogan accusait Fethullah Gülen d’en être l’instigateur. A 77 ans, ce dernier vit dans l’Etat de Pennsylvanie aux Etats-Unis, depuis 1999. Ce théologien très respecté à travers le monde prône « l’esprit critique comme la fondation de la connaissance qui glorifie Dieu ». Malade, vivant sans ostentation ni vie médiatique, Gülen est à la tête d’une confrérie présente dans de nombreux pays à travers des écoles, des lieux de culte…
Son influence en Turquie était réelle (journaux, sympathisants au cœur de l’administration) jusqu’à que celui qui fut son allié, son ami, ne lui déclare une guerre sans pitié. Gülen et Erdogan ont fondé et placé au pouvoir l’AKP, le parti islamiste qui draine 50% des voix aux élections turques. Ces deux figures de la vie politique et religieuse se sont aimées avant de se honnir mutuellement. Lorsque certains journaux gülenistes ont révélé de gigantesques dossiers de corruption impliquant le clan Erdogan, la réponse fut brutale : arrestations, nationalisations desdits journaux. La dérive autoritaire du président de la République de Turquie prit alors un tournant encore plus brutal.
Gülen favorable au dialogue inter-religieux
Celui qu’on surnomme l’ermite de Pennsylvanie diffère de son ex-allié sur l’avenir de la Turquie. Gülen la voit arrimée à l’Europe quand Erdogan mise sur le Moyen-Orient et joue un trouble jeu avec l’Etat Islamique. Trouble jeu qui a pris fin lorsque des attentats ont ensanglanté Ankara et Istanbul. Gülen veut un Islam du savoir, moderne, ouvert au dialogue lorsqu’Erdogan, en disciple des Frères musulmans, veut « réislamiser la société ». Ce que le putsch sans envergure lui permet, avec l’instauration de l’état d’urgence : 43 journaux, 23 radios, 29 maisons d’édition ont été fermés. Plus de 20 000 personnes sont en prison et 42 journalistes, dont des signatures respectées, sont en cours d’emprisonnement.
Gülen a beau expliquer qu’il n’est en rien responsable dans cette tentative militaire d’évincer Erdogan, le régime d’Ankara a officiellement demandé aux autorités américaines de l’expulser vers son pays natal. Cet intellectuel de l’Islam – dont les établissements scolaires ont formé une bonne partie des élites turques – devient l’enjeu diplomatique d’une crise naissante entre Washington et Ankara. Preuve qu’Erdogan est prêt à aller au bras de fer ultime – il menace de quitter l’OTAN – pour obtenir la peau de son ancien allié.