L’Euro débute demain soir, avec France-Roumanie. En cette période de ramadan, comment les footballeurs gèrent-ils cet événement sportif, malgré l’obligation de jeûner ? Eléments de réponse…
Il y a quelques années, alors entraîneur d’Auxerre, Guy Roux avait appelé le recteur de la Grande mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, alors président du CFCM. Le coach du club bourguignon redoutait la période de ramadan et s’inquiétait pour l’état de forme de ses joueurs. Il avait alors demandé au responsable religieux de lui expliquer « ce que dit exactement le Coran » au sujet de la pratique du sport pendant le ramadan. Dali Boubakeur avait alors explique : « Les jours de match et d’entraînement, (les joueurs) connaissent une sudation importante. Faites-les boire. » Le religieux avait continué en expliquant qu’en déplacement, les joueurs avaient le droit de rompre le jeûne s’il rattrapaient une journée de jeûne ensuite. Guy Roux avait finalement décidé de réveiller les joueurs de bonne heure pour leur offrir un repas consistant, affirmant : « Pour l’exercice de la religion, je laissais faire à partir du moment où rien ne venait contrarier la vie collective. »
Guy Roux à propos des religions et en particulier du Ramadan. Un génie de la gestion humaine des joueurs. pic.twitter.com/l11blmz7z2
— Guy Mx ؟ (@GuyMx89) June 1, 2016
Cette année, les clubs de Ligue 1 n’ont pas à se soucier de cette problématique : comme l’an dernier, le ramadan tombe pendant la trêve. Sauf que, ce vendredi 10 juin, débute l’Euro de football. Europe 1 a demandé à Nicolas Vilas, auteur de « Dieu Football Club », si la compétition et la pratique du jeûne étaient compatibles. Le journaliste sportif répond par la positive : « C’est compatible. Des joueurs professionnels musulmans, il y en a plein. Certains vivent même le jeûne et leur spiritualité comme une force », explique-t-il, citant Abou Diaby, par exemple, qui « avait d’abord fait le choix de ne pas jeûner lorsqu’il jouait. Mais il culpabilisait, et il a désormais décidé de ne plus rompre le jeûne les jours de matches. Il soutient depuis qu’il se sent mieux, que ça le rend même meilleur. » Si l’équipe de France refuse de parler du sujet, le service de presse des Bleus assure simplement que le ramadan ne pose « aucun problème. » Assurant qu’il s’agit d’une « « question d’ordre privé. »
« Le ramadan n’a jamais été un problème »
Si L’Equipe assure qu’aucun joueur Français ne jeûnera les jours de match, d’autres formations composées de joueurs musulmans — comme l’Albanie ou la Turquie — assurent que les joueurs ont le choix de pratiquer ou non le jeûne, en fonction de leurs convictions. La période de ramadan est « une période où le risque de blessures augmente, notamment au niveau des lombaires, des articulations et des muscles », assurait, lors du Mondial, le médecin algérien Hakim Chalabi. Pour lui, « le niveau de nutrition doit changer. Il faut aussi modifier la qualité des aliments, afin de s’adapter à l’exercice. Les joueurs doivent mieux s’hydrater. Nous leur conseillons en outre d’allonger la durée de leur sieste pendant l’après-midi. » Avec un programme spécifique, ramadan et Euro ne sont donc pas incompatibles.
Mais plusieurs footballeurs préfèrent reporter leur jeûne. Une décision prise en accord avec leur imam. Car les textes permettent à certains travailleurs de rompre leur jeûne pour le reporter à plus tard. Avec la chaleur et le risque de déshydratation, les sportifs de haut niveau peuvent user de cette prérogative. Bakary Sagna avait reporté son jeûne, lors de la dernière Coupe du Monde, Mezut Ozil fera de même selon Europe 1. Le médecin de l’équipe de France jusqu’à 2008 explique que « le joueur respecte le jeûne avant la compétition, puis il rattrape les jours non jeûnés après la compétition. C’est une affaire privée, c’est au joueur de gérer et de faire en sorte que son jeu n’en pâtisse pas. » Lui aussi indique que « le ramadan n’a jamais été un problème. » « Dieu demande à ce qu’on préserve sa santé. L’islam n’est pas une religion qui vise à faire souffrir les musulmans », assure Dalil Boubakeur. Les Bleus musulmans pourront donc rattraper leurs jours de jeûne après la compétition avec, espérons-le, la Coupe d’Europe dans leur vitrine.