La formation politique de M. Baudet, le Forum pour la démocratie (FvD), véritable parti depuis seulement deux ans, a remporté un énorme succès aux dernières élections aux Pays-Bas et joue désormais les premiers rôles lors du scrutin européen.
M. Baudet, docteur en droit d’origine franco-indonésienne, est connu pour ses sorties controversées sur l’immigration, les femmes ou la transition écologique. Il a récemment été sous le feu des critiques pour des propos tenus contre l’avortement et sur les femmes occidentales, qui sont selon lui à l’origine du « déclin démographique de l’Europe » à cause de leur envie de travailler.
Le FvD caracolait en tête des derniers sondages, engagé dans un mano à mano avec les libéraux (VVD) du Premier ministre Mark Rutte, qui a appelé à un large rassemblement pour faire bloc face aux populistes.
Tels deux boxeurs dans un ring, les deux rivaux se sont affrontés mercredi soir lors d’un débat télévisé virulent au cours duquel ont été abordés des thèmes qui les opposent diamétralement comme l’immigration ou les relations avec la Russie, ouvertement accusée par l’Etat néerlandais d’être responsable du crash du vol MH17 au-dessus de l’Ukraine en 2014 qui a fait 283 morts, dont 196 Néerlandais.
« Napoléon et Hitler »
« Le leadership, c’est oser aller à contre-courant. Une boussole morale. C’est exactement le genre de chose qui vous manque, » a lancé M. Baudet à son rival libéral, à la tête du gouvernement néerlandais depuis 2010.
En retour, M. Rutte a vilipendé son opposant pour son souhait d’organiser un référendum sur un « Nexit » — une sortie des Pays-Bas de l’UE — et sur une sortie de l’euro, pour avoir « une Europe à la carte », selon les termes du populiste.
« Si son parti devient le parti le plus important, (M. Baudet) tentera dès le premier jour de déchirer l’Europe », a fustigé M. Rutte sous les applaudissements de ses sympathisants.
Partisan d’une « Europe boréale » — idéologie vantée par l’ex-leader français d’extrême droite Jean-Marie Le Pen et qui prône une fermeture du Vieux continent aux populations non blanches –, M. Baudet n’a pas hésité à comparer le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker à « Napoléon et Hitler » en raison de la position de l’UE selon lui hostile à Moscou.
Le débat a rapidement basculé sur le territoire privé lorsque le leader du FvD a demandé à M. Rutte quand il avait pleuré pour la dernière fois, dans le but de tirer parti de l’image insensible que renvoie le premier Ministre.
« Quelque chose s’est-il passé dans votre vie privée qui pourrait expliquer ce que vous avez contre les femmes ? », a répliqué M. Rutte.
Première indication
En mars, l’entrée en force du FvD au Sénat néerlandais avait bouleversé le paysage politique des Pays-Bas, déjà très divisé.
Le parti est en passe de transformer l’essai à l’occasion des européennes: il devrait débouler en trombe à Strasbourg, crédité selon les derniers sondages d’environ 5 sièges sur les 26 alloués aux Pays-Bas. Autant que le VVD du Premier ministre. Le FvD pourrait donc devenir le parti néerlandais le mieux représenté au Parlement européen.
Les premières estimations sont attendues dans la soirée après la clôture des bureaux de vote à 21H00 (19H00 GMT), mais il faudra attendre dimanche soir et la fin du scrutin dans toute l’UE pour avoir les résultats officiels.
Le succès de Thierry Baudet, amateur des ouvrages de l’écrivain français Michel Houellebecq et adepte de discours lyriques truffés de références classiques, a éclipsé Geert Wilders, député d’extrême droite anti-islam à la chevelure platine. L’allié de Marine Le Pen perd du terrain au fil des élections aux Pays-Bas.
M. Baudet est « la coqueluche politique de l’année », estime Claes de Vreese, professeur de communication politique à l’Université d’Amsterdam. « Il attire un certain nombre d’électeurs qui peuvent être mécontents du fait que le style de Wilders est très conflictuel et pas particulièrement intellectuel », explique-t-il.
Le succès attendu du FvD, contre l’euro et farouchement opposé à une politique d’immigration européenne commune, est une indication de ce qui pourrait se passer à travers le continent, prédisent les analystes.
« Ce qui se passe aux Pays-Bas se passe aussi ailleurs en Europe », à l’image des récentes performances des populistes en Italie et en Hongrie, note M. De Vreese.
« L’Europe a longtemps été une histoire très technique et beaucoup de gens ne l’ont pas comprise. Les populistes simplifient les choses et rendent l’UE compréhensible pour le citoyen », note Amy Verdun, professeure de politique européenne à l’Université de Leiden (ouest).