Aujourd’hui, c’est un des cadres de CAGE, Mohammed Rabbani qui est ciblé. Qu’est-ce qu’il lui est reproché ? D’avoir refusé de donner les codes d’accès à son ordinateur portable après un voyage au Moyen-Orient. Selon une porte-parole de l’association CAGE, Mohammed Rabbani avait déjà été arrêté « une vingtaine de fois » avec demande d’accès à ses équipements électroniques. Mais face à son refus, il avait toujours été relâché. Cette fois-ci, alors qu’il est à la douane, les agents sont bien décidés à obtenir ces codes. Mais Mohamed Rabbani ne se laisse pas intimider. Les raisons de son refus sont simples : Mohammed Rabbani estime avoir le droit à une vie privée et les informations contenues dans son ordinateur sont hautement sensibles et protégées par le secret des correspondances entre un avocat et son client. Interrogé par LeMuslimPost, Mohammed Rabbani affirme que son client a été torturé et qu’un fonctionnaire de l’Etat américain est impliqué. Pour lui, il était donc hors de question de permettre l’accès à ses données sans l’aval du client concerné.
Une guerre contre les libertés publiques
Evoquant le Schedule 7 de la loi antiterroriste passée en juillet 2000, le cas Rabbani rappelle celui de David Miranda, citoyen brésilien arrêté pendant plusieurs jours et intimidé par les agents de l’immigration britannique qui le suspectaient de transporter des documents en liaison avec les révélations Snowden. Pour l’association CAGE, la guerre contre le terrorisme menée par le gouvernement britannique s’est transformée, au fil des ans, en une guerre contre les libertés publiques et en « guerre froide » contre les personnes de confession musulmane. Pour confronter directement l’Etat britannique et porter son affaire devant la communauté internationale, Mohammed Rabbani s’est rendu avec d’autres activistes de son pays à Varsovie pour la conférence annuelle de l’OSCE (Organisation pour la Coopération et Sécurité en Europe) portant sur l’application de la démocratie et les droits humains dans les cinquante sept pays membres, dont le Royaume-Uni.
Le cas Rabbani est un nouvel épisode d’une confrontation entre CAGE et l’Etat britannique qui dure depuis plus de dix ans
Pour Mohammed Rabbani, « la demande d’accès aux appareils de communication est comparable à une mise à nue numérique. » Son affaire inquiète les défenseurs des libertés publiques dont une partie, à l’instar de l’Open Rights Group ou de la Courage Foundation qui ont exprimé leur soutien « en privé. » Cette affaire a de quoi inquiéter les voyageurs à destination de ou transitant par Londres : avocats, chercheurs, chefs d’entreprises, activistes ou toute personne tenue par le secret professionnel et transportant des données sensibles pourraient être sujets à des fouilles arbitraires de leurs appareils électroniques avec des conséquences incalculables. Le cas Rabbani n’est cependant qu’un nouvel épisode d’une confrontation entre CAGE et l’Etat britannique qui dure depuis plus de dix ans. Moazzem Begg, un des membres de l’association et « survivant » du camp de Guantanamo, avait été accusé en 2014 d’activités « en liaison avec le terrorisme » suite à un voyage en Syrie. Evoquant la loi contre le financement du terrorisme de 2010 (Terrorism Asset Freezing Act 2010), le ministère des Finances britannique avait décidé de geler ses avoirs. La décision a, par la suite, été étendue à l’association dont le compte bancaire a été clôturé par Barclays. Depuis, l’association opère sans compte bancaire bien que l’Etat britannique s’est rétracté, faute d’éléments à charge.
Néanmoins, ce dernier a écrit à toutes les fondations qui ont précédemment soutenu l’association CAGE pour leur demander de ne plus jamais « s’associer » avec elle. Une nouvelle fois, CAGE a porté son affaire devant les tribunaux et l’Etat britannique a de nouveau demandé à ce que l’affaire se règle « à l’amiable. » Interrogé par Le Muslim Post, Mohammed Rabbani a fait part de sa sérénité et du soutien dont il bénéficie, et exprimé qu’il ne reculerait pas : « Malgré la sombre situation des libertés civiles pour les musulmans européens, nous avons la capacité de changer notre situation. Chaque mesure prise pour assurer ses droits est un succès en soi, indépendamment de ce que les tribunaux décident », dit-il, serein.