dimanche 7 décembre 2025
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Le patron des enquêteurs de l’ONU plaide pour un « Nuremberg de Daesh »

Depuis un an, cet avocat britannique sillonne l’Irak avec près de 80 personnes pour rassembler preuves et témoignages.

« C’est une montagne à surmonter », concède ce spécialiste des droits humains, alors que l’ONU commence à analyser jusqu’à 12.000 corps de plus de 200 charniers, 600.000 vidéos de crimes de l’EI et 15.000 pages de documents de la bureaucratie de l’EI.

Décapitations, esclavage

Il y a cinq ans, sur un territoire grand comme la Grande-Bretagne entre l’Irak et la Syrie, le « califat » autoproclamé contrôlait la vie de sept millions de personnes avec ses administrations, ses écoles, son application rigoriste de l’islam et ses châtiments moyenâgeux.

« Ce n’était pas (uniquement) une guérilla ou un groupe rebelle mobile », souligne M. Khan au siège ultrasécurisé de l’Unitad à Bagdad.

Les membres de minorités considérées comme « hérétiques » ou « satanistes » ont été tués par milliers, torturés ou réduits en esclavage, des enfants transformés en soldats.

L’EI n’avait « pas de tabou »: « qui pensait voir au 21e siècle des crucifixions, un homme brûlé vif dans une cage (…), des esclaves sexuels, des hommes jetés de toits, des décapitations? », énumère M. Khan. Et tout cela, « sous l’œil de caméras ».

Malgré l’horreur, ces crimes « ne sont pas nouveaux », nuance-t-il. « Ce qui est nouveau avec l’EI, c’est l’idéologie qui alimente le groupe criminel », « comme les nazis » avant eux.

Le fascisme allemand a eu Nuremberg: cette ville allemande avait abrité en 1945 et 1946 le premier tribunal international de l’histoire, créé pour juger des criminels de guerre nazis, responsables entre autres de l’extermination systématique de six millions de juifs.

Aujourd’hui, chaque jour ou presque des Irakiens sont condamnés, souvent à mort. A leurs procès, pas de victime et un unique chef d’accusation, celui d’appartenance à l’EI, sans plus de détail sur les crimes potentiels.

Des procès où preuves et témoignages seront exposés publiquement, où que ce soit dans le monde, sont pourtant l’unique moyen de tourner la page, plaide M. Khan.

« Séparer le poison du peuple »

Après l’EI, « l’Irak et l’Humanité ont besoin de leur Nuremberg », affirme M. Khan. A la suite de ce procès, « plus personne ne pouvait embrasser les principes de Mein Kampf (écrit par Adolphe Hitler) et être pris au sérieux, les signaux d’alarme de la conscience collective se sont activés ».

Nuremberg a aussi « séparé le poison du fascisme du peuple allemand » en affirmant qu’il n’y avait « pas de responsabilité collective » mais des individus responsables. Et condamnés.

Un procès de l’EI « peut contribuer à séparer le poison de l’EI (qui se revendique sunnite) de la communauté sunnite irakienne », minoritaire dans ce pays où deux tiers de la population sont chiites, veut-il croire.

Et là où « Nuremberg a éduqué l’Allemagne et l’Europe », un procès de l’EI servira l’Irak et « d’autres parties du monde où des communautés peuvent être vulnérables à la propagande de l’EI », plaide M. Khan.

« Cette idéologie sera démystifiée et le public (…) pourra réaliser une vérité évidente: il s’agit de l’Etat le moins islamique qui ait existé », assure-t-il, alors que l’Unitad tente d’établir s’il y a eu crime contre l’humanité, crime de guerre ou génocide, les crimes les plus graves du droit international.

Et ces preuves recueillies dans des charniers, sous les tentes des déplacés ou dans les archives de l’EI « ne vont pas rester dans un bureau pour faire joli », prévient M. Khan.

« Vous verrez sous deux mois que nous apportons des éléments à des instructions en cours dans certains pays », glisse-t-il, en refusant de nommer ces Etats.

Compétence universelle

L’Unitad « monte également ses dossiers » qui pourraient permettre à des Etats qui –comme l’Allemagne– possèdent une compétence universelle de se saisir de crimes, quels que soient le lieu où ils ont été commis et la nationalité des auteurs et victimes.

Des procès ont lieu, notamment en France pour des attaques revendiquées par l’EI, ou à Munich (sud de l’Allemagne) où une Allemande est jugée pour avoir laissé mourir de soif une fillette yazidie « achetée » sur un « marché aux esclaves » de l’EI.

« L’Irak est le premier destinataire de nos informations » mais « peu importe le lieu », lance M. Khan, alors que l’option d’un tribunal international évoquée par certaines capitales semble peu probable dans un futur proche.

L’essentiel est de garantir « le droit des victimes à faire entendre leur voix ».

Des voix couvertes trois années durant par le brouhaha de la propagande et des combats et qui luttent aujourd’hui pour ne pas être les grandes oubliées de l’Irak de l’après-EI.

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