Daphne Caruana Galizia était une figure locale. Âgée de 53 ans, la journaliste travaillait depuis plusieurs années sur les affaires de corruption à Malte. Collaborant avec différents médias de l’île, elle s’était fait connaître surtout pour son blog en anglais, très lu par la population locale.
Dans celui-ci, elle avait révélé plusieurs scoops et scandales impliquant des proches du Premier ministre Joseph Muscat, notamment lors de la sortie des Panama Papers. Elle avait assuré le 20 avril dernier que sa femme, Michelle Muscat, était titulaire d’une société enregistrée au Panama, servant à abriter des pots-de-vin versés par l’Azerbaïdjan.
Le Premier ministre avait réagi, qualifiant cette accusation de « plus gros mensonge de l’histoire politique maltaise. » Il avait promis de démissionner si les faits étaient avérés suite à l’enquête. Malgré ce scandale, il avait finalement remporté une large victoire lors des élections législatives anticipées en juin 2017.
Daphne Caruana Galizia, classée parmi les 28 personnalités qui font bouger l’Europe
Récemment, la journaliste était aussi devenue l’ennemi du parti d’opposition, après la publication de plusieurs articles en août sur un des leaders de celui-ci, Adrian Delia, accusé d’avoir un compte à Jersey, alimenté, selon ses informations, par l’argent de la prostitution à Londres.
Une heure avant son décès, Daphne Caruana Galizia s’en prenait au chef de cabinet de Joseph Muscat, Keith Schembri, l’accusant de détenir des comptes secrets au Panama. « Il y a des escrocs partout où l’on regarde maintenant, la situation est désespéré », écrivait-elle.
Hier, le 16 octobre, alors que la blogueuse circulait près de son domicile dans le nord de l’île, une puissante explosion a détruit son véhicule et a entrainé sa mort. A l’origine, une bombe placée sous sa voiture. Un assassinat qu’a aussitôt dénoncé le gouvernement.
« Ce qui s’est passé aujourd’hui est inacceptable à de nombreux niveaux », a déclaré le Premier ministre Joseph Muscat. « Aujourd’hui est une journée noire pour notre démocratie et notre liberté d’expression », a t-il ajouté.
Des milliers de Maltais sont également descendus hier dans les rues près de La Valette pour rendre hommage à la journaliste, qui avait reçu plusieurs menaces de mort.
Au printemps, Politico avait classé Daphne Caruana Galizia parmi les « 28 personnalités qui font bouger l’Europe. » Le magazine la décrivait comme « un WikiLeaks entier en une seule femme, en croisade contre le manque de transparence et la corruption à Malte. »
Sur Twitter, Julian Assange, le fondateur de WikiLeaks, a d’ailleurs fait part de son indignation. Il promet une récompense de 20 000 euros pour toute information menant à la condamnation des assassins.
Sur sa page Facebook, le fils de la journaliste d’investigation s’est exprimé ce matin. Il dénonce entre autres un « état mafieux » : « Ma mère a été assassinée car elle se trouvait, comme d’autres journalistes, entre le règne de la loi et ceux qui la violent. Mais elle a également été prise pour cible car elle était la seule personne à le faire. C’est ce qui arrive quand les institutions d’un Etat sont devenues incapables : la dernière personne à rester debout est souvent un journaliste. »