Un amendement de la Loi travail concernant la neutralité religieuse dans l’entreprise a été adopté par le Sénat. Mais il semble contraire à la Convention européenne des droits de l’Homme…
La France va-t-elle a l’encontre de la Convention européenne des droits de l’Homme, qui autorise noir sur blanc la liberté de manifester ses convictions religieuses en privé et en public ? En tout cas, l’amendement de la Loi travail adopté au Sénat sur la « neutralité religieuse dans l’entreprise » fait débat. L’amendement en question offre la possibilité à chaque entreprise d’organiser la neutralité au travail, qu’elle soit religieuse ou politique, en mettant simplement en place son propre règlement intérieur. Un amendement voté par gauche et droite confondues. Seuls les communistes se sont abstenus.
Lutter contre le communautarisme
Dans une précédente version de la Loi travail, l’article 6 indiquait que « la liberté du salarié de manifester ses convictions religieuses ne peut connaître de restrictions que si elles sont justifiées par l’exercice d’autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise… » Mais cet article a été supprimé, suite au mécontentement des différents élus. Pourtant, il faisait suite aux recommandations de Robert Badinter, qui avait, dans un rapport remis au gouvernement, rappelé l’importance de « la liberté du salarié de manifester ses convictions, y compris religieuses. » Les sénateurs lui ont préféré un amendement adopté la semaine dernière sur la neutralité religieuse dans le monde du travail.
En revenant sur cet article 6, les élus veulent protéger les dirigeants d’entreprise contre la montée du communautarisme. Selon l’Institut Randstad et de l’Observatoire du fait religieux en entreprise (OFRE), « 50 % des managers ont été confrontés au fait religieux en France en 2015. » « Il y a des problèmes, mais ils restent relativement peu nombreux et, surtout, ils se résolvent par le dialogue », nuance Nicolas Cadène, rapporteur de l’Observatoire de la laïcité. Mais, assure la ministre du Travail, Myriam El Khomri, « poser le principe de neutralité peut être justifié dans certaines situations. » Sauf que la Convention européenne des droits de l’Homme pose « la liberté de manifester sa religion (…) en public ou en privé. » La France ira donc à l’encontre de la Convention, une fois la Loi votée.