A 40 ans, Ismaël Saïdi rencontre un joli succès avec sa pièce « Jihad », en tournée depuis maintenant deux ans entre la France et la Belgique. En s’appuyant sur le registre de la comédie noire, le dramaturge belge décrit le parcours de trois jeunes hommes du quartier bruxellois de Schaerbeek à Homs, dans la Syrie en guerre. Outre l’auteur, les rôles sont campés par deux acteurs talentueux, James Deano (alias « Ben ») et Reda Chebchoubi (alias « Reda »). « J’ai écrit cette pièce pour dire « stop, ça suffit ! », confie Saïdi à l’agence Reuters à propos des phénomènes de radicalisation et de djihadisme terroriste, qui ont touché la Belgique comme la France. « Ce n’est plus un jeu, c’est devenu un véritable problème de société », poursuit-il. Pour l’auteur, l’écriture a été un moyen de « [se] libérer » de la culpabilité qu’il a ressentie en esquivant le piège dans lequel certaines de ses connaissances sont tombées. Il raconte comment, adolescent vivant à Schaerbeek, des recruteurs ont enrôlé des amis pour combattre en Afghanistan. Il a été particulièrement bouleversé en 2014, quand un de ses anciens camarades de classe a posté sur Facebook une photo dans laquelle il posait avec un fusil en Syrie. Autant de témoignages qui ont poussé Saïdi à agir et à lutter, par le biais de l’art.
Une initiative à généraliser
Plus de 700 collégiens et lycéens de Valenciennes, proche de la frontière belge, ont vu – et apprécié – le spectacle. « C’est avec des pièces comme celle-là que l’on peut vraiment faire bouger les choses », commente Sarah Moussadak, une Valenciennoise de 16 ans. Une initiative originale qui a même reçu le soutien des autorités françaises. « Faire de Daesh un groupe pas cool est très important », affirme pour sa part Muriel Domenach, ancienne diplomate reconvertie en fer de lance de l’action gouvernementale, en tant que Secrétaire générale du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR). Des initiatives privées comme celles d’Ismaël Saïdi, rappelle-t-elle, constituent des compléments aussi efficaces qu’indispensables à l’arsenal officiel de lutte contre la radicalisation et le djihadisme. Quand on sait que la France recense 11 500 personnes radicalisées et que 15 millions d’euros (un million de plus qu’en 2014) sont budgétisés cette année pour ce combat.