C’est un « texte historique », à en croire la Grande Mosquée de Paris, qui rappelle qu’elle « est consciente de ses responsabilités au sein de la communauté musulmane française, en termes de réflexion, d’interprétation et d’éclairement religieux. » Si la fédération a, après plusieurs rebondissements, décidé de ne pas participer à la Fondation pour l’Islam de France, la Grande Mosquée de Paris « sait qu’il est de son devoir d’accompagner les Français de confession musulmane sur leur chemin spirituel. » Dans ce texte, Dalil Boubakeur, son recteur, dénonce d’abord l’« extrême diabolisation de la minorité musulmane » de la part des politiques, des médias et des intellectuels. Une islamophobie, dit-il, qui est « la conséquence de l’islamopsychose, qui est une représentation délirante, c’est-à-dire déconnectée de la réalité, de ce que sont réellement l’Islam et les Français de confession musulmane. » Une islamophobie « assurément comparable en gravité à l’antisémitisme français de la fin du XIXe siècle », ajoute le recteur.
Une lecture erronée de l’Islam et de ses textes
Dalil Boubakeur revient également sur sa décision de ne pas participer aux discussions sur l’« Islam de France » avec Jean-Pierre Chevènement en « condamnant la tendance actuelle à vouloir désigner des autorités de tutelle, n’étant pas de confession musulmane, aux fins d’encadrer avec paternalisme l’expression du fait religieux musulman dans la société française », et « ceci au mépris de la liberté religieuse et de la séparation des églises et de l’Etat. » Une entorse à la laïcité, mais pas seulement. Pour le recteur de la mosquée parisienne, il faut également s’inquiéter de « la montée en puissance, au sein de la communauté musulmane française, d’une interprétation erronée de l’islam, reposant sur une lecture du texte sélective, partiale, et au premier degré, qui conduit à l’obscurantisme, à la pédanterie ignorante, à la misogynie, au sectarisme, et au refus des valeurs républicaines. »
Clarifier les droits et devoirs des musulmans dans leur foi
C’est donc pour donner une « clarification de leurs droits et devoirs dans leur foi » aux musulmans que l’institut musulman de la Grande Mosquée de Paris a donc décidé d’écrire une « proclamation. » Vingt-cinq points qui rappellent notamment que « l’Islam en France n’est ni un nouvel Islam, ni une innovation », et qu’il est en réalité « simplement la clarification du dogme au regard des réalités d’aujourd’hui. » Parmi les points évoqués, la Grande Mosquée de Paris indique notamment qu’il ne faut pas « chercher sa culture religieuse auprès de sources, de prédicateurs, de prêcheurs télévisuels, qui ne sont pas reconnus par les savants les plus respectés de la communauté », mais au contraire « se concentrer sur le respect des principes moraux et spirituels de sa foi. » L’institut musulman rappelle plusieurs principes, comme le fait de « traiter autrui comme l’on voudrait soi-même être traité », le « devoir d’être miséricordieux » ou encore le « devoir de solidarité. »
« L’égalité entre hommes et femmes s’impose »
Contre l’islamophobie, mais surtout contre les préjugés, la Grande Mosquée de Paris explique que « la meilleure réponse d’un musulman est d’accomplir des actes de bienfaisance. » Concernant la liberté d’expression — la Grande Mosquée parle ici, sans les citer, des caricatures de Charlie Hebdo —, le lieu de culte parisien indique que « l’on peut s’en déclarer blessé ou offensé mais il ne faut ni exiger leur interdiction ni réagir par la violence. » Et la mosquée de rappeler quelques évidences : « Dans un esprit de contextualisation nécessaire aux pratiques de la foi musulmane aujourd’hui, les châtiments corporels, la polygamie, ne se justifient plus et n’ont plus lieu d’être. Dans le même esprit, l’égalité entre hommes et femmes s’impose. » Enfin, l’institut musulman condamne le jihad tel que pratiqué par les terroristes. « Le jihad le plus noble, rappelle-t-il, est l’effort de maîtrise de soi, de dépassement de soi, pour atteindre les vertus du meilleur des musulmans. » Les membres de Daesh sont donc des usurpateurs impies de l’Islam, qui est une religion de la paix. »