mercredi 14 mai 2025
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Au Sénégal, chrétiens et musulmans fêtent la Tabaski

Sous l’oeil placide de Dembel, mouton promis à une mort imminente, Grassé Diop s’apprête à recevoir des amis catholiques.

« Ils viennent tous les ans pour la tabaski, je vais à la messe pour Noël, on passe toutes les fêtes religieuses ensemble », s’enthousiasme cette jeune musulmane dont le prénom chrétien vient de Grâce.

Dans le quartier de Ouakam, à Dakar, la cour de la maison familiale s’est muée le temps d’une journée en abattoir et en cuisine. Des enfants jouent en riant entre les bassines d’abats, et les femmes de la famille chantent en dépeçant le mouton fraîchement égorgé.

« Quand je me rends chez des amis chrétiens, je me sens vraiment chez moi. Il n’y a aucune différence. On a grandi ensemble », affirme Grassé.

Ses propos sont ponctués par les coups de machette que donne son frère sur le crâne de Dembel et les incessantes sonneries de son téléphone portable. « Jacques, Marie, Joseph… Tous mes amis chrétiens me souhaitent une bonne tabaski », se réjouit la jeune femme, étudiante en communication.

« Ici, quand un chrétien meurt, tous les voisins du quartier vont à l’église pour ses funérailles », abonde Pape Doudou Diop, le frère de la jeune femme, en se resservant du foie de mouton. Bien que musulman, Pape Doudou est de toutes les communions, et se rend parfois à la messe de Noël.

Autour d’un immense plat de grillades dans lequel plongent les mains de toute la famille, l’on ne peut distinguer les chrétiens des musulmans. Yves-Martin Kemden, un ami de Grassé, est venu fêter chez elle sa dixième Tabaski. Le jeune catholique a revêtu un boubou marron pour honorer ses hôtes.

« Je suis systématiquement invité par mes voisins ou amis pour les fêtes musulmanes. C’est une coutume, ici tu es toujours invité par un voisin, même si vous ne partagez pas la même religion », dit ce jeune éleveur de chiens.

A quelques centaines de mètres, dans une autre cour ombragée de palmiers, la famille Ndoye a invité ses voisins catholiques, et prépare des boîtes de viande de mouton pour les apporter au domicile de ceux qui ne pouvaient se déplacer.

« Indivisibles »

« Ma grand-mère était catholique. Pour Pâques, nos cousins nous invitent, en prenant soin de ne pas cuisiner du porc. C’est la famille, on est indivisibles, quelle que soit notre religion », dit en souriant Karim Ndoye, peintre en bâtiment quinquagénaire.

Selon la sociologue Fatou Sow Sarr, l’harmonie entre chrétiens et musulmans au Sénégal s’explique par l’action des chefs des confréries mourides, qui, dès le XIXème siècle, ont agi en « philosophes du vivre-ensemble » et prôné la tolérance envers les catholiques.

« On trouve dans les mêmes familles des chrétiens et des musulmans, qui se marient entre eux. La religion est secondaire face aux liens du sang, donc les communautés n’ont jamais été antagonistes », estime Mme Sow Sarr. « Il y a plus de risques de dissensions entre musulmans aujourd’hui, à cause des conflits entre communautés mouridiques et influences wahhabites, qu’entre musulmans et chrétiens », selon elle.

Dans le presbytère de la cathédrale de Dakar, sous un déluge de bougainvilliers, l’abbé Jacques Seck s’apprête à partir célébrer la Tabaski chez des amis musulmans. L’octogénaire, qui se définit comme un « musulman-chrétien », est un apôtre du dialogue interreligieux qui n’hésite jamais à mêler à ses sermons des versets du Coran.

« Cette tolérance entre les religions est à la racine de la société sénégalaise », explique-t-il, l’oeil vif derrière ses lunettes à double foyer. « La chance de ce pays, c’est qu’il est rare qu’une famille ne soit pas composée des membres des deux communautés. Cette diversité a construit le pays ».

Nul ne peut le savoir mieux que lui, dont les ancêtres, musulmans comme chrétiens, reposent à l’ombre du même arbre, dans le cimetière interconfessionnel de Joal Fadiouth, dans l’ouest du Sénégal.

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