Ce lundi, le tribunal administratif de Dijon a statué : l’arrêté du maire de Chalon-sur-Saône qui annonçait la suppression des menus de substitution a été jugé illégal. La Ligue de défense judiciaire des musulmans (LDJM), qui avait porté cette affaire ces dernières années, « remporte une victoire contre la stigmatisation et la négation de l’intérêt de l’enfant. » La LDJM se félicite de cette « victoire de la laïcité » qui permet, ajoute-t-elle, de « ne différencier aucun enfant injustement. » Juridiquement, c’est un pas vers des décisions similaires partout en France : « Aujourd’hui, cette décision, qui est une innovation jurisprudentielle, va enfin permettre à nos enfants de vivre ensemble dans la tolérance de la croyance et d’apprendre dans un respect mutuel », assure Karim Achoui, président de la LDJM. Que s’est-il passé pour que le tribunal administratif de Dijon prenne ainsi cette décision, alors que le maire de Chalon-sur-Saône semblait sûr d’obtenir gain de cause devant la justice ?
Poisson le vendredi et menus sans porc
Les textes sont en réalité assez flous. Dans le Bulletin officiel du ministère de l’Intérieur daté d’août 2011, on peut lire que « les collectivités locales disposent d’une grande liberté dans l’établissement des menus et le fait de prévoir des menus en raison de pratiques confessionnelles ne constitue ni un droit pour les usagers ni une obligation pour les collectivités. » Si le ministère rappelle que « le Conseil d’État a jugé, dans une ordonnance du 25 octobre 2002, (…) que la circonstance qu’une commune serve du poisson le vendredi dans ses cantines scolaires mais refuse de tenir compte des prescriptions alimentaires en vigueur dans les autres cultes ne constituait pas une atteinte aux droits fondamentaux », il rappelle que, en pratique, « la plupart des cantines proposent depuis longtemps des substituts au porc et servent du poisson le vendredi, permettant ainsi le respect de certaines prescriptions ou recommandations religieuses. »
La CNCDH et l’Observatoire de la laïcité rappellent les principes de la République
Car en France, la restauration collective dans les cantines des écoles publiques est un « service » et ce sont les collectivités locales qui en ont la charge — mairies pour le primaire, conseils départementaux pour les collèges, conseils régionaux pour les lycées. Du côté de l’Observatoire de la laïcité, on indiquait en 2015 que le menu de substitution était un atout pour le vivre-ensemble : « La diversité des menus ne répond pas à des prescriptions religieuses mais à la possibilité pour chacun de manger ou non de la viande tout en empêchant la stigmatisation d’élèves selon leurs convictions personnelles », indiquait l’organisme. Concernant spécifiquement l’affaire de Chalon, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) indiquait qu’en supprimant les menus de substitution, le maire avait « perdu de vue l’intérêt supérieur de l’enfant. » L’annulation par le tribunal administratif de Dijon de l’arrêté municipal semble donc tout à fait logique. Et à en croire la LDJM, cette annulation fera jurisprudence en cas de nouvelle affaire ailleurs en France.