Les marques helvétiques « ont peur de faire peur aux consommateurs suisses », mais obtenir la norme halal leur assure un avenir radieux. Voilà comment Mounir Khouzami, membre du Swiss Arab Network, résume le dilemme auquel sont confrontées les sociétés agroalimentaires suisses.
Dans un article consacré à l’obtention de la certification halal par la marque Toblerone, Blickraconte comment, il y a dix ans, le président de Nestlé Paul Bulcke a souhaité faire de son groupe le numéro un du halal dans le monde. Un porte-parole du groupe explique comment le géant de l’agroalimentaire a créé « plus de 100 usines » grâce au halal. Aujourd’hui, dit-on du côté de Nestlé, une usine sur quatre de l’entreprise suisse produit du halal.
Alors pour les entreprises de l’agroalimentaire, le calcul est vite fait : entre le bad-buzz alimenté par les sites de la fachosphère et le business, le choix se porte forcément vers l’argent. Même Emmi s’y est mis. L’entreprise helvétique de produits laitiers propose désormais plus de cent produits halal, du beurre au lait en poudre en passant par les yaourts, desserts et fromages tous destinés à l’export vers le Proche et l’Extrême-Orient.
Alors, lorsque L’Essentiel, un journal en ligne luxembourgeois, déplore que le fait que Toblerone soit devenu un produit halal trop « discrètement » pour ne pas froisser sa clientèle locale, la marque, elle, ne se fait de cheveux blancs : Mondelez, le groupe américain propriétaire de la marque suisse, exporte en effet 97 % de ses triangles de chocolat et les pays musulmans représentent « dix des vingt-cinq marchés à la croissance la plus rapide », assure Mounir Khouzami.
Au risque de se retrouver victime d’un appel au boycott. Car depuis plusieurs jours, Toblerone est visée par les internautes d’extrême droite.
Pas de contact avec le porc ou l’alcool, le chocolat Toblerone devient un produit « halal » selon @F_Desouche @FeizaBM pic.twitter.com/FPJG0o6I59
— Les Répliques (@les_repliques) 17 décembre 2018
Mais en réalité, rien dans les triangles de chocolat n’était anti-halal. « La recette originale, explique Mondelez, est restée inchangée. » Finalement, c’est plutôt le process de fabrication qui a été validé par les certficateurs halal : l’usine de Berne ne doit pas utiliser d’alcool ou de porc dans ses usines, ou encore s’interdit de faire travailler des enfants. Rien d’illogique, donc, mais en apposant le label halal sur une partie de sa production, Toblerone s’est semble-t-il fait beaucoup d’ennemis.