vendredi 22 novembre 2024
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Trump déclare Jérusalem capitale d’Israël : les enjeux d’une telle décision

« Le moment est venu de reconnaître officiellement Jérusalem comme la capitale d’Israël », a déclaré Donald Trump, mercredi 6 décembre, depuis la Maison Blanche. Il a revendiqué « une nouvelle approche » dans le conflit israélo-palestinien et a martelé que « les Etats-Unis restent déterminés à aider à faciliter un accord de paix acceptable pour les deux parties. »

Donald Trump a aussi ordonné de préparer le transfert de l’ambassade des Etats-Unis de Tel-Aviv à Jérusalem, comme il l’avait laissé entendre depuis plusieurs jours. Le chef de la diplomatie américaine Rex Tillerson a précisé que le département d’Etat américain allait lancer « immédiatement » les préparatifs de ce déménagement, même si ce processus devrait prendre entre trois et quatre ans, c’est-à-dire au moins au terme du premier mandat de Trump. Que se passera-t-il donc s’il n’est pas réélu ?

En réaction, Mahmoud Abbas a déclaré à la télévision palestinienne que cette décision de Donald Trump « ne changera rien à la situation de la ville de Jérusalem, la capitale éternelle de l’Etat de Palestine. » Mais cette décision ne sera pourtant pas sans conséquences, et le chef de l’Autorité palestinienne était l’un des premiers responsables politiques à avoir mis en garde le président américain. Mahmoud Abbas avait informé Donald Trump il y a quelques jours des « conséquences dangereuses d’une telle décision sur le processus de paix, la sécurité et la stabilité dans la région et dans le monde. » 

« M. Trump, Jérusalem est une ligne rouge pour les musulmans », l’avait également averti le président turc, Recep Tayyip Erdogan. Une ligne rouge que Donald Trump a franchi en prenant une décision qui n’est pas seulement symbolique mais qui est un vrai « coup de tonnerre diplomatique. » Plusieurs questions se posent désormais. Pour autant, au delà des discours, que certains qualifieront de populistes afin de prévenir une colère populaire, aucune réaction politique des pays arabes ou musulmans n’est à l’ordre du jour. 

Cette décision intervient alors que Trump est embourbé dans une enquête visant son entourage sur la possible connivence du clan Trump avec la Russie et que le président est au plus bas dans les sondages, avec 35 % d’opinions favorables. Il ne sera pas le premier président à provoquer la polémique pour distraire l’opinion publique. Trump envoie là un message à sa base et surtout aux Républicains modérés qui se sont montrés de plus en plus hostiles à son égard.

Pourquoi Donald Trump a-t-il décidé de déclarer Jérusalem comme capitale de l’état hébreu et de transférer l’ambassade ? 

Depuis 1995, le Jerusalem Embassy Act a été adopté par le Congrès américain. Cette loi invite les Etats-Unis à déménager l’ambassade de Tel-Aviv à Jérusalem, que le pays reconnaît comme étant la « capitale de l’Etat d’Israël. » Mais une clause contenue dans cette loi permet au président de repousser son application pour six mois, pour des « préoccupations de sécurité nationale. » Ainsi Bill Clinton, George W. Bush et Barack Obama ont systématiquement appliqué cette clause, afin de maintenir une relative paix dans la région. Donald Trump lui-même avait signé en juin dernier cette clause.

Mais le milliardaire s’était engagé pendant sa campagne à reconnaître Jérusalem « comme la capitale indivisible de l’Etat d’Israël » et a toujours exprimé son soutien à cette cause. En mars 2016, Trump avait promis à l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC), un puissant lobby sioniste, qu’il « déplacerait l’ambassade américaine dans la capitale éternelle du peuple juif, Jérusalem. » En 2016, il s’était également exprimé contre la résolution du Conseil de sécurité de l’ONU, qui exigeait qu’Israël cesse ses implantations dans les territoires palestiniens de Jérusalem-Est.

Ainsi, en respectant cet engagement, Donald Trump se distingue par rapport à ses prédécesseurs. Selon lui, cette décision qui marquera son mandat, aurait dû être prise « depuis longtemps. » Il a même déploré le manque de « courage » des autres présidents.

Mais cette décision fait également partie d’un « plan de paix » que la Maison-Blanche souhaite élaborer depuis plusieurs mois. « Nous voulons créer la paix entre Israël et les Palestiniens, nous y arriverons », avait lancé Donald Trump, en recevant en mai dernier Mahmoud Abbas. Dans ce dossier, c’est Jared Kushner, le gendre de Donald Trump qui a été désigné comme intermédiaire pour parvenir à « l’accord ultime » alors que ce dernier est directement impliqué dans le financement de l’occupation israélienne. Cette nomination a de quoi inquiéter au vu du profil inexpérimenté du jeune homme et son parti pris flagrant.  

Pour nombre d’observateurs, le plan envisagé par les Etats-Unis est très défavorable aux Palestiniens. Ils obtiendraient leur propre état mais une souveraineté limitée sur leur territoire lui même morcelé et sans aucune continuité. La grande majorité des colonies israéliennes en Cisjordanie resteraient en place et les Palestiniens ne recevraient pas Jérusalem-Est comme capitale mais la commune d’Abou Dis. Cette annonce pourrait donc « faire partie d’une attitude visant à menacer et à faire pression sur les Palestiniens pour qu’ils acceptent un accord faible », quand Trump dévoilera sa proposition de paix prévue pour l’année prochaine, a déclaré dans the Middle East Eye, Josh Ruebner, spécialiste de la question palestinienne.

Quels signaux sont envoyés avec une telle décision ?

« Sur le plan international, Trump envoie un autre signal fort de complicité avec Israël. Je ne serai pas surpris si tôt ou tard certains des États européens suivent les traces des États-Unis », analyse Ali Abuminah, journaliste et co-fondateur du site Electronic Intifada. « Avec cette décision, c’est comme si les Américains donnaient leur feu vert à Israël pour continuer son offensive, en particulier sa colonisation à Jérusalem », ajoute t-il. 

De plus, en reconnaissant la ville sainte comme capitale d’Israël, Donald Trump rompt avec le positionnement de la communauté internationale, qui n’a jamais reconnu Jérusalem comme capitale d’Israël. Il marque ainsi une rupture historique dans la politique américaine au Moyen-Orient.

Mais depuis son arrivée au pouvoir, Donald Trump multiplie les décisions menant à un isolement des Etats-Unis. Sous son leadership, ces derniers sont revenus sur l’Accord de Paris (2015) visant à limiter le réchauffement climatique de la planète. Washington a aussi décidé de se retirer de l’Unesco, que Donald Trump juge peu favorable à Israël. Avec cette nouvelle décision, le président américain pose clairement ses distances envers la communauté internationale, au risque de ne plus être envisagé comme un médiateur de crise crédible. D’ailleurs le secrétaire général de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Saëb Erakat, a déjà déclaré que Trump a « disqualifié les Etats-Unis d’Amérique de tout rôle dans un quelconque processus de paix ». 

Que signifie le fait de désigner Jérusalem comme capitale d’Israël ?

La communauté internationale considère Jérusalem-Est comme territoire occupé, depuis son annexion par Israël en 1967. C’est pourquoi toutes les ambassades étrangères sont installées à Tel-Aviv. Depuis, il est convenu que le statut de la ville ne peut être réglé que dans le cadre d’un accord de paix entre Israéliens et Palestiniens. La déclaration de Donald Trump, compromet donc sérieusement la résolution du conflit et un éventuel accord de paix. Elle pose également la question de la préservation des lieux saints et notamment de la mosquée Al-Aqsa, régulièrement objet de tensions entre Israéliens et Palestiniens. Le premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou a quant à lui salué « un jour historique » tout en se voulant rassurant. Il a en effet réaffirmé l’engagement israélien à maintenir le « statu quo » sur les lieux saints à Jérusalem. 

Pour les relais de l’ambassade israélienne en France comme le CRIF, invitation est faite au président Français Emmanuel Macron de suivre Donald Trump et de reconnaitre à son tour Jérusalem comme capitale d’israël. 

Quels sont les dangers pour la région ?

Les contestations et les manifestations de colère ont déjà éclaté suite à la déclaration de Donald Trump. Dans la bande de Gaza, des centaines de Palestiniens en colère ont brûlé des drapeaux américains et israéliens et des portraits de Donald Trump. Un rassemblement est aussi prévu aujourd’hui à Ramallah en Cisjordanie.

Le Hamas qui avait menacé de lancer une nouvelle Intifada il y a quelques jours, a jugé que cette annonce ouvrait « les portes de l’enfer » pour les intérêts américains dans la région. L’un de ses hauts responsables, Ismaïl Radouane, a appelé les pays arabes et musulmans à « couper les liens économiques et politiques » avec les ambassades américaines. 

Des représailles multiples contre les intérêts américains sont en effet à craindre dans le monde arabe. « C’est à l’ensemble du monde musulman que Donald Trump a envoyé un message d’opposition, d’hostilité voire même d’humiliation à ne pas prendre en compte leurs alertes », explique Pascal Boniface, chercheur à l’IRIS, dans une analyse vidéo. 

« Trump a fait un cadeau indirect à tous les radicaux qui vont pouvoir capitaliser la colère du monde musulman sur sa décision », a également ajouté le géopolitologue, qui craint les attentats dans la région. Pour la moribonde Ligue Arabe, son chef Ahmed Aboul Gheit a déclaré que «Rien ne justifie cette décision, qui ne servira pas la paix et la stabilité. Au contraire, cela nourrira le fanatisme et la violence».

La Jordanie, gardienne des lieux saints musulmans de Jérusalem, craint fortement les risques d’« escalade ». Dans un traité en 1994, Israël s’était engagé à respecter le rôle historique de la Jordanie concernant les lieux saints et à donner la priorité au royaume lors des négociations sur le statut final. Le statut juridique et politique de Jérusalem est donc d’une grande importance. La Jordanie souhaite éviter le chaos dans la région, entre autres car de nombreux citoyens jordaniens ont des racines palestiniennes et sont liés aux Palestiniens vivant en Cisjordanie. Un nouveau soulèvement palestinien pourrait donc avoir des conséquences directes sur la sécurité de la Jordanie.

Quelles sont les premières réactions face à cette situation de crise ?

Dans un communiqué publié lundi après-midi, les 57 pays membres de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) avaient déjà annoncé la tenue d’un sommet exceptionnel en cas de reconnaissance de Jérusalem comme capitale israélienne.

Le Conseil de sécurité de l’ONU se réunira également en urgence demain matin, comme l’a affirmé la présidence japonaise du Conseil. Cette réunion a été demandée par huit pays (Suède, France, Italie, Royaume-Uni, Egypte, Sénégal, Bolivie, Uruguay) sur les quinze qui forment le Conseil de sécurité. Le statut de Jérusalem ne peut être résolu que par une « négociation directe » entre Israéliens et Palestiniens, a rappelé le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres. « Il n’y a pas d’alternative à la solution de deux Etats » avec « Jérusalem comme capitale d’Israël et de la Palestine », a-t-il ajouté.

Pour Abdel Bari Atwan, rédacteur en chef du journal Ray Al Youm, « la surprise est dans les réactions de surprise des dirigeants arabes » et d’espérer que Trump ne reviendra pas sur sa décision. Car selon lui, « nous avons besoin de ce choc afin de déchirer les masques utilisés par nombre de complices arabes. »

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